Surveillance des polluants émergents : clé pour une eau potable sûre

Saviez-vous que dans le cadre de ses missions, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) surveille fréquemment la qualité de l’eau que nous consommons ?
L’instance recherche en effet la présence de composés chimiques dit « émergents » qui échappent aux contrôles réguliers. Zoom sur les objectifs d’une telle mission ainsi que sur les principaux résultats d’une campagne d’occurrence menée à l’échelle nationale.
Eaux destinées à la consommation humaine : toujours plus de substances à surveiller
Le rôle clé de l’Anses
La qualité des eaux destinées à la consommation humaine est indispensable pour garantir la santé des populations. Elles sont donc soumises à des contrôles sanitaires rigoureux et réguliers de leur teneur en substances chimiques, en micro-organismes ou en pesticides pour vérifier leur potabilité.
L’eau doit répondre à des critères de potabilité très stricts pour pouvoir être consommée. Ces critères sont édictés par le Ministère de la Santé et le Haut Conseil de la santé publique.
C’est sans compter la présence à de très faibles concentrations de polluants dits « émergents » (nouveaux polluants) dans les eaux de consommation. Or, ces polluants chimiques émergents ne sont pas systématiquement réglementés et ne disposent pas toujours de limites de qualité définies. De ce fait, ils ne sont pas forcément recherchés dans le contrôle sanitaire régulier des eaux de consommation.
Dans ce contexte, des recherches sont menées depuis plusieurs années à l’échelle nationale pour pallier ce manque. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) veille ainsi à surveiller toujours plus de substances émergentes dans l’eau potable et à prévenir les risques sanitaires associés à leur ingestion. Son laboratoire d’hydrologie, situé à Nancy, conduit en effet régulièrement des campagnes nationales d’occurrence sur des composés polluants.
L’objectif de ces campagnes est triple :
- Améliorer la connaissance de la contamination des ressources en eaux et des eaux traitées pour la production d’eau du robinet.
- Obtenir des données d’occurrence fiables pour l’évaluation de l’exposition de l’homme à ces composés présents dans les eaux destinées à la consommation humaine.
- Faire évoluer la réglementation.
Une campagne d’occurrence à l’échelle nationale
Courant 2020-2021, la campagne menée a analysé les points de captage d’eau grâce à des prélèvements d’eaux brutes et d’eaux traitées effectués sur l’ensemble du territoire français (métropole et outre-mer). Cet échantillonnage représentait près de 20 % de l’eau distribuée et consommée.
Trois types de composés émergents polluants ont été recherchés parmi lesquels :
- 157 pesticides et métabolites de pesticides
- 54 résidus d’explosifs
- Un solvant : le 1,4-dioxane
Les métabolites de pesticides désignent des composants issus de la dégradation des produits phytopharmaceutiques.
Quels polluants émergents détectés dans les eaux de consommation ?
Un métabolite de pesticide très fréquent dans l’eau potable
Sur plus de 136 000 résultats obtenus à l’occasion de cette campagne, les experts du laboratoire d’hydrologie de l’Anses ont pu détecter 89 pesticides et métabolites de pesticides au moins une fois dans les eaux brutes et 77 fois dans les eaux traitées. Et 7 de ces composés émergents ont été retrouvés à des taux supérieurs à la limite de qualité de 0,1 µg/litre, parmi lesquels le métabolite du chlorothalonil R471811.
Le chlorothalonil est un fongicide interdit en France depuis 2020. Le métabolite du chlorothalonil R471811 est issu de la dégradation de ce composé dans l’environnement.
Dans les faits, ce sont des données suisses publiées en 2019 et attestant de la présence fréquente du métabolite du chlorothalonil R471811 dans l'eau suisse qui ont conduit les scientifiques à en rechercher la présence dans les eaux de consommation françaises.
Considéré par précaution comme métabolite pertinent (par manque de données disponibles) il se trouve que le métabolite du chlorothalonil R471811 représente le métabolite de pesticide le plus fréquemment détecté (dans plus d’un prélèvement sur deux) et ses taux dépassent la limite de qualité dans plus d’un prélèvement sur trois.
Preuve en est que selon leurs propriétés, certains métabolites de pesticides peuvent persister dans l’environnement pendant plusieurs années après que leur substance d’origine ait été interdite.
Un métabolite de pesticide est jugé pertinent pour les eaux destinées à la consommation humaine « s’il possède des propriétés intrinsèques pesticides comparables à celles de la substance mère ou s’il fait peser (par lui-même ou par ses produits de transformation) un risque sanitaire pour les consommateurs ». Ce faisant, il doit faire l’objet d’une vigilance particulière. Par mesure de précaution, l’Anses classe un métabolite comme pertinent dans l’eau du robinet lorsque cette pertinence est établie par les données scientifiques disponibles ou au contraire en l’absence de données scientifiques essentielles.
Des résidus d’explosifs et un solvant
Par ailleurs, d’autres polluants ont été détectés à l’occasion de cette campagne. Il s’agit de résidus d’explosifs originaires de sites d’armement datant de la première guerre mondiale ou de zones d’activités industrielles d’armement. C’est ainsi que des métabolites de TNT et de substances utilisées plus récemment ont été trouvés dans moins de 10 % des échantillons d’eaux traitées. Quant au solvant 1,4-dioxane, il a été détecté dans 8 % des échantillons.
Vers une meilleure qualité des eaux destinées à la consommation humaine ?
Ces résultats collectés par le laboratoire d’hydrologie de l’Anses représentent une source précieuse d’informations qui seront transmises aux différentes agences régionales de santé ainsi qu’à la Direction générale de la santé. L’objectif à terme ?
Exploiter ces nouveaux repères scientifiques pour renforcer la surveillance des molécules polluantes dans le cadre des contrôles sanitaires réguliers des eaux. Quant aux composés dont les taux dépassent la limite de qualité, il appartiendra aux autorités de prendre les mesures de gestion adéquates.
Ces données peuvent enfin se révéler d’une grande utilité pour évaluer les expositions de la population aux polluants et affiner les protocoles de surveillance de la qualité des eaux des producteurs et distributeurs d’eau potable.
Une nouvelle campagne nationale devrait bientôt voir le jour pour évaluer la présence de nouveaux polluants d’intérêt. Elle s’intéressera particulièrement aux composés PFAS (composés alkyls per- et polyfluorés) ainsi qu’à certains pesticides ciblés.
Sources :
- Anses - Polluants émergents dans l'eau potable : le point sur les principaux résultats de la dernière campagne nationale
- Anses - Campagne nationale de mesure de l’occurrence de composés émergents dans les eaux destinées à la consommation humaine. Pesticides et métabolites de pesticides – Résidus d’explosifs – 1,4-dioxane. Campagne 2020-2022
- Ministère de la santé - Qualité de l’eau potable
- Anses - Activités de surveillance du laboratoire d'Hydrologie de Nancy
- Le centre d’information sur l’eau - L’eau potable : sa définition, ses origines, ses critères de potabilité et ses traitements