Une nouvelle piste pour comprendre l'obésité

L'obésité est un déséquilibre entre l'apport et la dépense énergétique, entraînant une accumulation excessive de graisse corporelle. Cette pathologie complexe est influencée par divers facteurs génétiques, environnementaux et comportementaux.
Récemment, une équipe de chercheurs de l'Inserm, dirigée par Carmelo Quarta, a identifié des neurones dans l’hypothalamus qui pourraient jouer un rôle essentiel dans ce déséquilibre énergétique. Ces neurones, qualifiés de "fantômes", pourraient ouvrir de nouvelles perspectives pour comprendre et traiter l’obésité.
Perte de poids : les neurones POMC et l'hypothalamus
Pourquoi les personnes obèses ont du mal à perdre du poids ?
Les personnes obèses peinent souvent à perdre du poids en raison de plusieurs facteurs physiologiques et psychologiques. L'une des principales raisons est la résistance à la leptine, une hormone produite par les cellules graisseuses qui indique au cerveau qu'il y a suffisamment de réserves de graisse et réduit l'appétit.
Chez les personnes obèses, cette résistance signifie que leur cerveau ne reçoit pas correctement le signal, entraînant une surconsommation alimentaire et une difficulté accrue à perdre du poids.
De plus, la perte de poids entraîne une réduction du métabolisme de base, ce qui rend la stabilisation du poids plus difficile. Cela signifie que les personnes ayant perdu du poids doivent consommer moins de calories pour maintenir leur nouvelle silhouette, comparé à quelqu'un qui n'a jamais été obèse.
Enfin, des facteurs environnementaux et génétiques jouent un rôle significatif. Environ la moitié de la population a une prédisposition génétique à maintenir un poids élevé, et des facteurs comme le stress, la disponibilité de nourriture riche en calories et un mode de vie sédentaire contribuent à l'obésité.
L'hypothalamus et ses fonctions
L'hypothalamus est une petite glande située au cœur du cerveau, jouant un rôle clé dans la régulation de nombreuses fonctions physiologiques, y compris la prise alimentaire et l'équilibre énergétique. Il est composé de divers types de neurones, chacun ayant des fonctions spécifiques.
En plus de réguler l'appétit, il influence également la température corporelle, les rythmes circadiens et la libération hormonale par l'intermédiaire de l'hypophyse. L'hypothalamus interagit avec d'autres régions cérébrales pour intégrer les signaux hormonaux et nerveux, ajustant ainsi le comportement alimentaire et les dépenses énergétiques en fonction des besoins de l'organisme.
Les neurones à pro-opiomélanocortine (POMC)
Les neurones à POMC sont particulièrement importants pour la régulation de l'appétit. Lors d’une étude sur des souris soumises à différents régimes alimentaires, les chercheurs ont observé que certains neurones POMC deviennent indétectables sous un régime riche en graisses.
Ces neurones, qualifiés de "fantômes", semblent disparaître mais en réalité changent d'identité pour s'adapter aux nouvelles conditions métaboliques.
La découverte des neurones fantômes
Utilisation de marqueurs fluorescents
Pour étudier ces neurones devenus invisibles, les chercheurs ont utilisé des marqueurs fluorescents qui se fixent spécifiquement aux neurones POMC.
Ce procédé a révélé que ces cellules nerveuses ne sont pas mortes mais ont changé de comportement, devenant indétectables sous un régime obésogène. Les neurones fantômes sont ainsi plus nombreux chez les souris obèses comparées aux souris normalement nourries.
Impact des régimes alimentaires
L’étude a montré que les neurones POMC des souris obèses expriment un panel de gènes différent de ceux des souris non obèses. Cette modification pourrait être une réponse adaptative aux déséquilibres métaboliques causés par un régime riche en graisses.
Les chercheurs explorent actuellement si ces changements sont réversibles ou s'ils conduisent à la mort neuronale, ce qui pourrait expliquer pourquoi les personnes obèses peinent à maintenir une perte de poids durable.
Implications et perspectives
Plasticité neuronale et obésité
La capacité des neurones à changer d'identité, appelée plasticité neuronale, est un phénomène fascinant. Si cette plasticité s’avère irréversible et précède la mort neuronale, cela pourrait expliquer les difficultés des patients obèses à guérir de manière définitive, même après une perte de poids significative. Les prochaines études viseront à déterminer si les résultats observés chez les souris peuvent être appliqués à l’humain.
Exploration d'autres types de neurones
Les chercheurs s'intéressent également à d'autres types de neurones hypothalamiques impliqués dans la régulation de l’appétit, tels que les neurones à kisspeptine et ceux à AgRP.
Comprendre si ces neurones adoptent un comportement similaire en réponse à un régime obésogène pourrait renforcer l'idée que certains neurones matures possèdent une mémoire adaptative, leur permettant de changer de fonction en fonction des signaux biologiques reçus.
L’étude des neurones "fantômes" apporte une nouvelle dimension à notre compréhension de l'obésité. En révélant la capacité des neurones à changer d’identité et à s’adapter aux conditions métaboliques, cette recherche ouvre des perspectives prometteuses pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques contre l’obésité.
Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ces découvertes chez l’humain et pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à cette plasticité neuronale.
Sources :