Légalisation du cannabis en France : point sur les dernières mesures

Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a chargé la Haute Autorité de Santé (HAS) d'évaluer l’expérimentation du cannabis médical en France, dans une annonce faite le 20 février 2025. Après plusieurs années de phase de test, les patients attendent désormais un accès facilité à ces traitements.
L'avis final de la HAS, qui doit déterminer si cette voie thérapeutique offre des effets positifs, notamment dans la gestion de la douleur, pourrait relancer un dossier jusque-là en suspens. Ce processus, initié par la loi de financement de la sécurité sociale de 2024, pourrait marquer une avancée significative dans l'usage médical du cannabis en France.
Le ministre a souligné l'importance de développer une filière thérapeutique du cannabis pour répondre aux besoins de patients souffrant de douleurs rebelles. Cette décision fait suite à un contexte où l'expérimentation, commencée en mars 2021, avait été maintenue malgré des incertitudes, offrant ainsi un espoir aux 1 800 malades bénéficiaires.
Neuder, qui avait déjà exprimé son soutien à l’utilisation du cannabis médical en janvier 2025, a ainsi renforcé son engagement à étudier cette alternative thérapeutique, en parallèle du débat sur la légalisation du cannabis récréatif.
Deux députés proposent une loi pour la légalisation du cannabis en France
Dans leur rapport sur l’évaluation de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants, Antoine Léaument, député LFI et Ludovic Mendes, député apparenté groupe EPR suggèrent la légalisation de la consommation récréative de cannabis. Leur proposition vise à améliorer la santé publique tout en combattant les réseaux criminels qui dominent actuellement le trafic de drogue.
Les deux députés soulignent l’échec du modèle répressif actuel, affirmant que le trafic de stupéfiants repose sur une logique économique fondée sur le marché capitaliste : maîtrise de la production, contrôle du transport et organisation de la vente.
Pour contrer cette dynamique, ils proposent un modèle français de régulation des stupéfiants, légalisant non seulement la consommation mais aussi la détention de cannabis à usage personnel.
Plusieurs propositions concrètes accompagnent cette démarche : un seuil légal de détention de cannabis, avec des propositions variant entre 10 et 25 grammes, ainsi que la possibilité de cultiver jusqu'à quatre plants de cannabis par an.
Les visions des deux rapporteurs divergent toutefois sur le modèle économique à adopter pour cette légalisation. Léaument soutient un modèle public où une entreprise détenue par l'État gérerait la distribution et la vente, tandis que Mendes préconise un modèle plus libéral impliquant des opérateurs privés, sous la supervision d'une agence nationale.
Une partie clé de leur proposition est la création d'une Autorité de régulation du cannabis (ARCAN), chargée de superviser l’application de la loi, délivrer des licences et garantir le respect des normes.
Les deux députés s’accordent aussi sur la nécessité de fixer des prix attractifs, inférieurs à 5 euros le gramme, afin de contrer efficacement le marché illégal.
En outre, le rapport va au-delà du cannabis, suggérant la dépénalisation de plusieurs autres drogues, comme la cocaïne, l’ecstasy et l’héroïne, à condition de limiter leur possession à un seuil de 3 grammes. Pour les quantités supérieures, des amendes délictuelles seraient appliquées.
Le cannabis légalisé au Canada
Le modèle canadien de légalisation du cannabis, instauré en 2018, repose sur une réglementation stricte visant à protéger la santé publique et à limiter l'accès des jeunes à la substance. La Loi sur le cannabis encadre la production, la distribution, la vente et la possession de cannabis à travers le pays, avec des objectifs clairs :
- Protéger les jeunes : empêcher l'accès des mineurs au cannabis ;
- Éliminer le marché noir : réduire les profits des organisations criminelles en offrant une alternative légale ;
- Assurer la sécurité publique : garantir que les adultes aient accès à du cannabis légal et de qualité.
Cette approche a permis de diminuer la consommation chez les jeunes et de générer des revenus fiscaux importants, tout en réduisant les activités criminelles liées au cannabis.
Le Canada a mis en place un cadre strictement réglementé, visant à limiter les risques de consommation, particulièrement chez les jeunes, tout en s’assurant que la vente de cannabis soit encadrée et contrôlée.
Ce modèle repose sur une série de mesures de prévention, d’éducation et de santé publique, tout en permettant aux adultes d'acheter du cannabis dans des conditions sécurisées. La légalisation a permis au Canada de mieux lutter contre le marché noir, tout en générant des revenus fiscaux considérables.
L'impact sur la santé publique et la criminalité a été largement surveillé, et les résultats préliminaires semblent indiquer que la légalisation a eu des effets positifs, en dépit des défis liés à l’usage de la substance.
Législations sur les drogues : que font nos voisins européens ?
Entre 2024 et 2025, les législations européennes sur le cannabis ont évolué, mettant en lumière des approches variées parmi les États membres de l'Union européenne.
Tandis que l'Allemagne a légalisé le cannabis en avril 2024, après Malte et le Luxembourg, dans la plupart des autres pays européens, la possession pour usage récréatif reste interdite, bien que certains pays tolèrent sa consommation dans certaines conditions.
Allemagne | En avril 2024, l'Allemagne a adopté le Cannabis Act, légalisant la culture privée de cannabis pour les adultes et permettant sa culture coopérative non commerciale au sein d'associations. Cette législation vise à encadrer la consommation récréative tout en luttant contre le marché noir. |
Espagne | Depuis 1968, la possession et la consommation de drogues à usage personnel sont décriminalisées, mais en septembre 2024, l'Espagne a proposé un décret royal pour permettre l'utilisation thérapeutique du cannabis pour certaines pathologies résistantes aux traitements traditionnels, facilitant ainsi l'accès à ces médicaments. |
Italie | En janvier 2025, l'Italie a pris des mesures pour interdire la production et le commerce de fleurs de cannabis, y compris le chanvre industriel non psychotrope, tout en permettant la possession de petites quantités (jusqu'à 5 grammes) pour usage personnel depuis 2024. |
Autriche | Bien que la possession de cannabis à usage personnel ne soit généralement pas poursuivie, une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 6 mois peut être infligée si la quantité dépasse un seuil jugé excessif. |
Belgique | La possession de cannabis pour usage personnel sans nuisance peut entraîner une amende, mais la possession de drogues reste passible de peines de prison allant de 3 mois à 5 ans. |
Danemark | Bien que la possession de cannabis soit passible d'emprisonnement, une expérimentation de légalisation, présentée au Parlement danois en 2022, pourrait durer cinq ans. |
Grèce | La possession de cannabis pour usage personnel peut entraîner jusqu’à 5 mois de prison, mais des peines moins sévères sont possibles si le tribunal juge l’infraction isolée et peu susceptible de se reproduire. |
Ces évolutions montrent une grande diversité des politiques européennes en matière de cannabis, allant de la légalisation à la tolérance, voire à l’interdiction, selon les contextes nationaux et les priorités politiques.
Un long chemin pour la légalisation du cannabis dans l'UE
La possession de cannabis demeure largement interdite dans les pays membres de l'Union européenne, bien que les peines encourues varient considérablement d’un pays à l’autre. Par exemple, en Lettonie, l’infraction peut entraîner une amende allant jusqu’à 280 euros, tandis qu'à Chypre, elle peut conduire à une peine d'emprisonnement allant jusqu'à huit ans.
De plus, les seuils définissant une « petite quantité » de cannabis pour usage personnel varient également, pouvant aller de quelques grammes dans certains pays à plusieurs dizaines dans d'autres.
Il est important de préciser que les peines maximales indiquées sur la carte en début d'article correspondent aux sanctions théoriques prévues par la loi. Dans de nombreux pays, des mécanismes ont été mis en place pour éviter des poursuites contre les simples consommateurs.
Aux Pays-Bas, par exemple, bien que la possession de cannabis pour usage personnel soit tolérée, elle n'est pas légale. Selon la législation néerlandaise, cela peut entraîner jusqu'à un an de prison. Toutefois, la justice néerlandaise a établi des lignes directrices stipulant que la possession de jusqu’à 30 grammes pour usage personnel n'est pas poursuivie.
De plus, depuis décembre 2023, les autorités néerlandaises expérimentent la légalisation de la production et de l'approvisionnement des coffee-shops, jusqu’ici alimentés par le marché noir, dans certaines villes comme Bréda et Tilbourg.
En France, bien que la peine maximale pour possession de cannabis soit d’un an de prison et de 3 750 euros d'amende, une amende forfaitaire de 200 euros a été instaurée en 2020 pour les consommateurs détenant jusqu’à 100 grammes de cannabis.
Toutefois, cette amende est désormais inscrite au casier judiciaire depuis le 1er juillet 2021, bien qu’elle ne garantisse pas l’absence de poursuites.
Mais les récentes déclarations de Yannick Neuder, ministre de la santé actuel, indiquent malgré tout une volonté d'explorer les applications médicales du cannabis en France, tout en maintenant une opposition ferme à sa légalisation à usage récréatif.
Cette approche pourrait conduire à une réévaluation des politiques de santé publique, en mettant l'accent sur les bénéfices thérapeutiques potentiels du cannabis, tout en restant vigilant quant aux risques associés. Il sera essentiel de suivre les développements futurs pour comprendre comment ces positions influenceront les pratiques médicales et les réglementations en vigueur.
Sources :
- Libération - Sursis : Cannabis médical : la Haute Autorité de santé chargée de décider du sort de l’expérimentation
- Observatoire français des drogues et des tendances addictives - Théorie de l'escalade
- Libération - Info Libé : Cannabis médical : l’expérimentation prolongée in extremis pour six mois, mais menacée à terme
- Libération - Info Libé : Cannabis médical : l’expérimentation prolongée in extremis pour six mois, mais menacée à terme
- Service Public - Cannabis thérapeutique
- LCP Assemblée Nationale - Deux députés proposent sa légalisation, faisant le constat de l'échec du "tout répressif" dans un rapport
- LCP Assemblée Nationale - Deux députés proposent sa légalisation, faisant le constat de l'échec du "tout répressif" dans un rapport
- Assemblée Nationale - Rapport d'information, n° 974
- Le Figaro Santé - Cannabis médical : le ministre de la Santé attend une évaluation de la HAS
- Federal Ministry of Health (Allemagne) - Frequently asked questions on the Cannabis Act
- Cadenaser (Espagne) - La santé autorisera l'utilisation du cannabis médicinal pour certaines maladies qui ne répondent pas aux autres traitements
- Consulat Général de France à Düsseldorf - Légalisation du cannabis à usage récréatif en Allemagne / Cannabis-Legalisierung in Deutschland – Hinweise für Reisen nach Frankreich
- Centre Européen de la Consommation - Légalisation du cannabis en Allemagne depuis le 1er avril 2024
- Statista - Les législations sur le cannabis s’assouplissent en Europe
- Gouvernement du Canada - Légalisation et réglementation du cannabis
- France TV - Cannabis — Une enquête de Mathieu Kassovitz et Antoine Robin