Plan d'action pour améliorer les soins des enfants placés en France

Protection de l’enfance : la ministre de la Santé dévoile un plan d’action pour renforcer les parcours de soins et la prévention
En France, plus de 380 000 enfants relèvent aujourd’hui de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), un chiffre en hausse de 20 % en dix ans. Derrière cette réalité, une crise profonde : manque de personnel, retards dans les bilans de santé, ruptures dans les parcours de soins, insuffisance de structures adaptées pour les enfants victimes de violences… Le système, saturé, peine à répondre aux besoins d’enfants particulièrement vulnérables.
Pourtant, près de 70 % des enfants placés présentent des troubles psychiques ou un retard de développement, selon les estimations de la Haute Autorité de Santé. Par ailleurs, les carences en matière de dépistage, de suivi médical et de soutien psychologique aggravent leur vulnérabilité.
Dans ce contexte, deux jours avant la publication du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de l’ASE mené par la députée Laure Miller (EPR), Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, a annoncé une série de mesures destinées à refonder la politique de protection de l’enfance en France.
Son objectif : réparer un système à bout de souffle et offrir aux enfants de l’ASE un véritable parcours de soins.
Des enjeux sanitaires majeurs pour les enfants placés
La crise que traverse l’ASE en France est réelle et prouvée par des chiffres. En effet, plus de 380 000 enfants sont aujourd’hui pris en charge, un chiffre en constante augmentation, alors que les ressources humaines et les structures d’accueil peinent à suivre.
Les enfants confiés à l’ASE sont souvent exposés à des traumatismes lourds (violences, négligences, ruptures familiales), avec des conséquences durables sur leur santé physique et mentale.
C’est pourquoi la ministre du Travail, des Solidarités et des Familles Catherine Vautrin a évoqué des mesures pour apporter de meilleurs soins et renforcer les politiques mises en place destinées aux enfants dépendants de l’ASE.
Parmi les priorités rappelées par la ministre figure la généralisation du bilan de santé systématique à l’entrée dans le dispositif. Cette mesure, inscrite dans la loi Taquet de 2022 (mesures pour la protection de l’enfance) mais encore inégalement appliquée, sera renforcée, de même que le suivi médical annuel des enfants placés.
Un travail de structuration à l’échelle nationale est confié à la Pr Céline Gréco, cheffe du service de la douleur pédiatrique à l’hôpital Necker, qui œuvre à la création de centres d’appui régionaux pour mieux coordonner les soins autour de ces jeunes patients.
Vers une généralisation des parcours de soins coordonnés
Inspirés de projets pilotes en Île-de-France et dans les Hauts-de-France, ces parcours de soins coordonnés devraient être déployés sur tout le territoire à partir de 2026. Il s’agit de structurer une réponse pluridisciplinaire – médicale, psychologique, sociale – adaptée à la complexité des situations vécues par les enfants confiés à l’ASE.
Une montée en charge des unités d’accueil pédiatrique pour enfants en danger (UAPED)
Face à l’augmentation des signalements de violences faites aux enfants, 25 nouvelles UAPED verront le jour en 2025. Ces unités, qui offrent un accompagnement global (médical, psychologique, judiciaire) aux mineurs victimes de violences, bénéficieront d’un budget annuel renforcé de 4 millions d’euros. Ce maillage territorial permettra une prise en charge plus rapide et plus humaine, en évitant les parcours fractionnés dangereux pour la santé mentale des enfants placés.
Sécuriser les professionnels de l’enfance : extension du contrôle d’honorabilité
Pour mieux encadrer les recrutements dans le secteur, le dispositif de vérification d’honorabilité (casier judiciaire et FIJAIS) des assistants familiaux et maternels sera généralisé d’ici l’automne 2025. Depuis son lancement en septembre dans six départements, 93 000 demandes ont été traitées, avec 435 refus dont 20 pour inscription au FIJAIS, base recensant les auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.
Allonger le mandat de la Ciivise et renforcer la lutte contre les violences sexuelles
La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) poursuivra ses travaux jusqu’en octobre 2026. Neuf de ses quinze recommandations prioritaires, comme la généralisation des cellules de signalement dans les administrations et le développement de la prise en charge des psychotraumatismes, sont déjà en cours d’adoption.
Mais des propositions plus sensibles, comme l’obligation de signalement par les médecins, font encore l’objet de discussions, notamment en lien avec une directive européenne à venir.
Un registre national pour mieux comprendre la mortalité infantile
Alors que la mortalité néonatale connaît une hausse préoccupante (4,1 décès pour 1 000 naissances vivantes entre 0 et 27 jours), la ministre a annoncé la création d’un registre national de la mortalité infantile, attendu début 2026.
L’objectif : mieux comprendre ce phénomène multifactoriel, qui mêle des éléments médicaux (augmentation des naissances très prématurées), sociaux (âge maternel plus élevé, obésité) et sanitaires (diabète, hypertension, qualité des soins).
Ce registre permettra le suivi en temps réel des données périnatales et l’amélioration continue des pratiques médicales.
Renforcer la prévention et soutenir les familles
La ministre de la Santé, du Travail et de la Famille, Catherine Vautrin souhaite inscrire son action dans une logique de prévention renforcée, notamment via le développement d’un plan parentalité ciblé sur la périnatalité. Les consultations parentales restent trop méconnues et doivent être mieux promues, tout comme les solutions de répit pour les parents isolés ou en difficultés.
La ministre défend aussi des modes de prise en charge plus « humanisés », avec un accent mis sur l’accueil familial élargi ou durable bénévole, plutôt que sur les structures collectives.
Réformer l’adoption et soutenir les jeunes majeurs
La Haut-commissaire à l’enfance, Sarah El Haïry, est mandatée pour travailler à une réforme des conditions d’adoption, afin de faciliter les parcours des enfants « adoptables ». En parallèle, la ministre veut revaloriser le métier d’assistant familial en améliorant son attractivité (meilleures conditions de travail, reconnaissance des compétences, droit au répit).
Enfin, une attention particulière est portée aux jeunes majeurs issus de l’ASE, souvent livrés à eux-mêmes à 18 ans. Un accompagnement renforcé jusqu’à 21 ans est prévu, notamment en matière de logement, d’accès à la formation et à l’emploi.
Des mesures ambitieuses, mais quel financement ?
Si les annonces sont nombreuses, la question du financement reste en suspens. La ministre reconnaît une « situation budgétaire difficile » et promet des concertations avec les départements – principaux financeurs de l’ASE – dès fin avril.
Sources :
- Le Quotidien du Médecin - Protection de l’enfance : Catherine Vautrin affiche ses ambitions pour une « nouvelle impulsion »
- Libération - Protection de l’enfance - Catherine Vautrin dévoile son plan à Libé : «Je veux reconstituer un vivier d’assistants familiaux pour s’occuper des enfants placés»
- BFMTV - Protection de l'enfance: le cri d'alarme lancé par la commission d'enquête parlementaire
- DREES - L’aide sociale à l’enfance - Édition 2024
- Handicap - Les enfants défavorisés plus touchés par certains troubles ?
- Espérer 95 - Cour des comptes : près de la moitié des sans-abris de 18 à 25 ans sont des anciens de l’ASE
- Vie publique - Loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants
- Légifrance - LOI n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants (1)
- Académie médecine - Carte des UAPED
- Service Public - Fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais)
- COE - Nouveau Guide du Conseil de l’Europe sur la participation des enfants aux décisions concernant leur santé
- Sénat - Sur l'obligation de signalement par les professionnels astreints à un secret des violences commises sur les mineurs
- Assemblée Nationale - RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance