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Maladies professionnelles en France : un système à bout de souffle

L'équipe de rédaction de MEDADOM
16/12/25 08:30

La reconnaissance des maladies professionnelles constitue un enjeu majeur de santé publique et de protection sociale. Dans un contexte où plus de 85 000 maladies professionnelles ont été reconnues en 2023, la Cour des comptes met en lumière, dans son rapport de juillet 2025, un système complexe, inégalitaire et coûteux, marqué par une hausse continue des déclarations et une sous-déclaration massive.

Entre pénurie de données, disparités territoriales, saturation des comités médicaux et augmentation des dépenses, la France fait face à un dispositif qui peine à évoluer malgré les transformations du monde du travail.

MEDADOM vous propose un décryptage.

 

Un dispositif dual centenaire qui évolue difficilement

 

Le système français de reconnaissance des maladies professionnelles repose sur deux voies :

  • les tableaux de maladies professionnelles, créés dès 1919, qui présument l’origine professionnelle d’une pathologie si certaines conditions sont réunies ;

  • le système complémentaire, instauré en 1993, permettant d’indemniser des maladies hors tableaux ou ne remplissant pas tous les critères.

Aujourd’hui, 183 tableaux existent (121 pour le régime général, 62 pour le régime agricole). Ils définissent la maladie, le délai de prise en charge et les travaux susceptibles d’en être la cause. Cependant, ce système montre plusieurs limites : lenteur d’évolution des tableaux, complexité d’interprétation pour les médecins, absence de prise en compte des expositions multiples.

Aussi, le système complémentaire, censé être une exception, représente désormais près de 30 000 dossiers par an, reflétant la difficulté du modèle à intégrer les risques émergents.

Maladies professionnelles Rapport cour des comptes 1B

Un manque de pilotage et de données qui fragilise l’efficacité du dispositif

 

La Cour souligne une faiblesse structurelle du pilotage :

  • absence de données détaillées par sexe, âge, tableau ou secteur ;
    incapacité à suivre précisément la sinistralité, notamment dans la fonction publique ;

  • impossibilité d’expliquer les écarts de reconnaissance entre territoires.

Ces lacunes nuisent à la fois à la prévention des risques professionnels et à l’harmonisation des pratiques. Elles compliquent également l’analyse de la sous-déclaration, qui représente pourtant un enjeu financier colossal, entre 2 et 3,6 milliards d'euros estimés en 2024.

 

Des disparités géographiques importantes dans la reconnaissance

 

Les taux de reconnaissance varient fortement d’un département à l’autre :

  • les taux de rejet des CPAM oscillent entre 26 % et 57 %, sans explication structurelle ;

  • les avis favorables des CRRMP (comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles) vont de 18 % à 69 % selon les régions.

Cette hétérogénéité engendre une inégalité d’accès aux droits, contraire aux principes d'équité de la sécurité sociale. La Cour propose la création d’un comité national de recours, chargé d’unifier la jurisprudence médicale et administrative.

 

Une hausse continue des coûts liés aux maladies professionnelles

 

Le coût des maladies professionnelles atteint 3 milliards d’euros en 2023 pour les régimes général et agricole. Notamment sur les troubles musculo-squelettiques (TMS) constituent la majorité des dépenses avec 1,3 milliard d’euros, tandis que les pathologies liées à l’amiante représentent près d’1 milliard d’euros.

La progression de ces coûts s’explique par : l’augmentation des demandes, des maladies plus coûteuses, notamment les troubles psychosociaux dont la  reconnaissance progresse et des indemnisations qui s’étalent sur plusieurs années (indemnités journalières et rentes). Par ailleurs, la prévision des dépenses reste très imprécise, et souvent surestimée, faute de données robustes.

 

Un système saturé face à la complexité des procédures

 

La procédure de reconnaissance implique une chaîne d’acteurs (médecins, CPAM, CRRMP) et de nombreuses étapes administratives. Résultat :

  • une procédure longue, souvent de 3 à 4 mois dans le régime général ;

  • des exigences médicales parfois difficiles d’accès (examens spécialisés, délais d’IRM) ;

  • des démarches qui découragent les victimes, comme le montre la consultation menée par la Cour auprès de 741 personnes.

Le système complémentaire est particulièrement engorgé : les CRRMP doivent traiter un volume croissant de dossiers, notamment des troubles psychosociaux, dont le coût et la complexité de diagnostic augmentent.

 

Les recommandations prioritaires de la Cour des comptes

 

Parmi les principales recommandations figurent :

  • rendre accessibles aux médecins et patients les examens complémentaires nécessaires ;
  • publier des données détaillées sur la reconnaissance des maladies professionnelles ;
  • simplifier et dématérialiser les formulaires d’ici 2027 ;
  • actualiser le tableau n°57 sur les TMS pour limiter les recours au système complémentaire ;
  • harmoniser les critères d’incapacité permanente ;
  • transposer la procédure du régime général au régime agricole, d’ici fin 2025.

Le rapport de la Cour des comptes met en évidence un dispositif indispensable pour les travailleurs mais aujourd’hui fragilisé par sa complexité, son manque de pilotage et son inadaptation aux risques contemporains.

 

 

 

Sources :