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Vente du doliprane par Sanofi : quelles conséquences pour la France ?

L'équipe de rédaction de MEDADOM
16/10/24 16:00

Le 11 octobre, Sanofi a annoncé être en négociations exclusives avec le fonds américain Clayton, Dubilier & Rice (CD&R) pour lui céder 50 % d'Opella, sa filiale spécialisée dans les soins de santé grand public, notamment responsable de la commercialisation du célèbre Doliprane.

Ce projet, qui s'inscrit dans la stratégie de Sanofi visant à se concentrer sur le développement de traitements innovants, alimente de vives préoccupations. En effet, beaucoup redoutent que la vente de cette participation majoritaire entraîne une délocalisation de la production de Doliprane, un médicament emblématique de la santé en France. Ces craintes sont d'autant plus vives que le pays est régulièrement confronté à des pénuries de médicaments, et que la délocalisation de la production pharmaceutique a été un enjeu majeur de ces dernières décennies.

Dans ce contexte, cette opération soulève des questions sur la capacité de la France à tenir son engagement en faveur d'une souveraineté sanitaire renforcée. Le président avait en effet promis de relocaliser la production de médicaments essentiels en France, après des années de dépendance vis-à-vis de l'étranger. Si ce projet aboutit, il pourrait être perçu comme un recul dans cette ambition, et affaiblir encore la production nationale de médicaments, un secteur déjà fortement délocalisé. 

Ces pénuries récurrentes suscitent une inquiétude : et si Doliprane, symbole emblématique du médicament français voyait sa production quitter son territoire ? 

Sanofi et fonds américain

La crainte d’une délocalisation de la production : quelles conséquences ? 

 

Cette scission, si elle était confirmée, soulève bien des interrogations. De nombreux acteurs politiques et de citoyens redoutent une possible délocalisation de la production du Doliprane, réalisée aujourd’hui sur deux sites à Lisieux (Calvados) et Compiègne (Oise), et s’inquiètent pour l’avenir de 600 salariés (ainsi que des salariés indirects). Ces craintes sont d’autant plus vives que l'approvisionnement en paracétamol a connu des périodes de tensions au cours de l'hiver 2022-2023. Le paracétamol, principe actif du Doliprane, est en effet principalement produit en Chine, en Inde, en Turquie ou aux États Unis . Ce qui accentue le risque de rupture d’approvisionnement quand la demande grimpe en flèche.


Le 13 juin 2023, dans le cadre du programme France 2030, le Gouvernement avait présenté un plan de relocalisation de la production de produits de santé en France pour remédier aux pénuries de médicaments importés. Il annonçait la préparation d’une liste de « médicaments essentiels » (dont le paracétamol).

Usine pharmaceutique de médicaments

Le Doliprane (paracétamol) est l'un des médicaments les plus consommés en France. Selon des données de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), environ 500 millions de boîtes de paracétamol sont vendues chaque année dans le pays. Le Doliprane, en particulier, représente une grande part de ces ventes, avec des millions de Français qui l'utilisent régulièrement pour soulager des douleurs courantes comme les maux de tête, les douleurs musculaires ou les états grippaux. On estime qu'environ 70 % des Français en prennent au moins une fois par an, ce qui équivaut à plus de 46 millions de personnes. Cette popularité est due à son efficacité et à sa disponibilité sans ordonnance, bien qu'il soit recommandé de respecter les doses prescrites pour éviter les risques de toxicité hépatique en cas de surdosage.

 

Quelle réglementation sur la commercialisation des médicaments en France et en Europe ?

 

La commercialisation des médicaments en France est un processus strictement encadré par des réglementations sanitaires afin de garantir la sécurité des patients. Avant qu'un médicament puisse être mis sur le marché, il doit obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ou, dans certains cas, par l'Agence européenne des médicaments (EMA). Cette autorisation est accordée après évaluation de l'efficacité, des effets secondaires et de la qualité du produit à travers des essais cliniques rigoureux.

Une fois l'AMM obtenue, le laboratoire pharmaceutique peut commencer la production et la distribution du médicament. Toutefois, pour être remboursable par la Sécurité sociale, le prix du médicament doit être négocié avec le Comité économique des produits de santé (CEPS). Le médicament est alors classé selon son Service Médical Rendu qui déterminera son remboursement (SMR niveau de remboursement) et son Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) qui lui détermine son prix.

Les médicaments peuvent être vendus en pharmacie, et certains, appelés médicaments "de prescription", ne sont accessibles que sur ordonnance médicale en cours de validité et qu’après présentation de celle-ci. D'autres, en vente libre, peuvent être achetés sans ordonnance. Les officines sont les points de distribution principaux, bien que la vente de certains médicaments soit également autorisée en ligne sous conditions strictes en France. Tout au long de la vie commerciale du médicament, l'ANSM continue de surveiller sa sécurité grâce à la pharmacovigilance, à la chaîne de PV et en relais des ARS qui consiste à détecter les effets indésirables qui pourraient survenir après sa commercialisation.

La France figure au 6ème rang des pays producteurs de médicaments (en valeur) en Europe derrière la Suisse, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni :

Schéma LEEM production pharmaceutique en Europe

Source : LEEM - Les entreprises du médicament


Sur les 508 médicaments autorisés en Europe entre 2017 et 2022, seulement 48 produits sont fabriqués en France, contre 122 en Allemagne, 97 en Irlande, 74 aux Pays-Bas et 53 en Espagne.

 

L’exécutif exige des « engagements » assortis de possibles « sanctions »

 

Les ministres Antoine Armand, chargé de l'Économie, et Marc Ferracci, délégué à l'Industrie, se sont rendus lundi sur le site de production de Lisieux, où les employés d'Opella, filiale de Sanofi, sont en grève.

Lors de leur visite, Antoine Armand a précisé : « Les engagements que nous demandons, non seulement seront extrêmement précis, mais ils seront assortis de garanties et de sanctions ». Il a également évoqué « la possibilité d’un actionnariat public et d’une participation à la gouvernance » d’Opella dans le cadre d’un potentiel « accord formalisé ».

Le ministre a souligné que des discussions étaient en cours avec Sanofi et Opella pour s'assurer que les conditions indispensables soient respectées. « Nous avons entamé des discussions [...] au sujet des conditions qui seraient indispensables et d’un accord formalisé qui doit avoir lieu et aura lieu si le projet de cession arrive sur la table ».

Antoine Armand n'exclut pas de bloquer la cession au fonds américain CD&R si la production de Doliprane n’est pas garantie en France. Il a affirmé avec force : « Mon engagement est que le Doliprane continue à être produit en France, par des salariés en France », tout en insistant sur la nécessité de « garanties extrêmement fortes ».

 

 


Sources :