Depuis plusieurs années, les déserts médicaux ne cessent de s’étendre en France, touchant désormais aussi bien les zones rurales que certains quartiers urbains.
Ce phénomène désigne une réalité inquiétante : l’insuffisance de professionnels de santé – principalement de médecins généralistes – pour assurer une prise en charge de qualité et de proximité. En 2024, près de 87 % des intercommunalités françaises sont classées comme zones sous-dotées en offre de soins.
Face à cette urgence sanitaire, sociale et territoriale, le gouvernement dévoile un nouveau "pacte de lutte contre les déserts médicaux", présenté le 25 avril 2025 par François Bayrou lors d’un déplacement symbolique à Aurillac, dans le Cantal. Ce département, qui comptait 160,6 médecins généralistes pour 100 000 habitants en 2010, en recensera seulement 139,4 en 2025. Une baisse significative, emblématique d’une tendance nationale.
Ce plan entend mobiliser l’ensemble des acteurs de santé autour d’un objectif clair : garantir un accès équitable aux soins pour tous les Français, quel que soit leur lieu de vie.
La mesure phare de ce plan repose sur un principe inédit : la solidarité territoriale. Concrètement, tous les médecins – généralistes comme spécialistes – seront invités à consacrer jusqu’à deux jours par mois pour intervenir dans les zones les plus touchées par la pénurie médicale.
Ces missions seront coordonnées par les Agences régionales de santé (ARS) et débuteront dans les territoires les plus en difficulté, identifiés comme des « zones rouges » d’ici fin mai.
Les professionnels en mission pourront se faire remplacer dans leur cabinet principal et percevront une compensation financière. Cette mobilisation pourrait permettre d’assurer jusqu’à 30 millions de consultations par an dans les territoires sous-dotés.
Plutôt que d’imposer l’installation en zones rurales, le gouvernement choisit d’inciter fortement les médecins à s’y rendre. François Bayrou rappelle que si cette stratégie fondée sur le volontariat ne fonctionne pas, une remise en question plus profonde du libre choix d’installation pourrait devenir inévitable.
Parmi les autres mesures, la création d’un nouveau statut de praticien territorial de médecine ambulatoire vise à accompagner les jeunes médecins dans leurs premières années d’exercice en zone rurale.
Le gouvernement souhaite aussi agir en amont, en facilitant l’entrée dans les études de santé dans les départements actuellement dépourvus d’offre de formation.
L’objectif est d’ouvrir une première année de médecine dans chaque département et de proposer des options santé dès le lycée dans les territoires concernés. Aussi, dès 2026, des stages obligatoires en dehors des grandes villes et CHU seront instaurés, dans l’idée que les étudiants formés localement sont plus susceptibles d’y rester ensuite pour exercer.
Réduire la charge administrative est un autre levier essentiel. D’ici 2028, le gouvernement prévoit le recrutement de 15 000 assistants médicaux, ce qui permettrait de gagner en moyenne deux consultations par jour et par médecin, soit plus de 3,5 millions de rendez-vous supplémentaires par an.
Par ailleurs, les pharmaciens et infirmiers verront leurs compétences élargies. Ils pourront, par exemple, délivrer des traitements pour des pathologies bénignes comme les rhinites allergiques ou les piqûres d’insectes infectées, même sans renouvellement d’ordonnance.
Pour inciter les professionnels à s’installer dans les territoires sous-dotés, le plan prévoit des mesures d’accompagnement concrètes :
Parmi ces propositions, la suppression du seuil limitant à 20 % l’activité des médecins retraités apparaît comme une mesure pragmatique. Ce plafond, instauré sans réel fondement, a pour effet de freiner inutilement la mobilisation de professionnels expérimentés, pourtant prêts à contribuer à l’effort collectif.
Ces médecins, pleinement formés, immédiatement opérationnels et déjà répartis sur l’ensemble du territoire, représentent un vivier précieux de temps médical. Lever cette contrainte permettrait de mieux répondre aux besoins locaux en santé, tout en réduisant la pression sur les structures existantes.
Cette mesure favorise donc une meilleure continuité des soins dans les zones en tension, en capitalisant sur une ressource humaine disponible et compétente.
Autre levier reconnu pour son potentiel transformateur : les protocoles de coopération. Prévus pour permettre une délégation encadrée d’actes entre professionnels de santé, ces protocoles répondent à un double objectif : optimiser la répartition des tâches et fluidifier les parcours de soins. Leur intérêt est encore plus marqué dans le cadre de la télémédecine, où ils prennent tout leur sens.
En effet, la télémédecine repose intrinsèquement sur une approche innovante, tant sur le plan des méthodes que des pratiques. Les protocoles de coopération y constituent un pilier central, en facilitant des organisations souples, collaboratives et interprofessionnelles.
Dans un contexte de tensions systémiques et de recherche active de solutions, leur déploiement renforcé apparaît non seulement pertinent, mais nécessaire pour libérer du temps médical, améliorer la qualité de la prise en charge et garantir un accès plus fluide aux soins.
Le protocole de coopération permet au professionnel de santé délégant, le plus souvent un médecin, de se concentrer sur les situations complexes nécessitant une expertise plus spécifique. Tandis que le professionnel délégué élargit son champ de compétences et participe activement à l'amélioration de l'accès aux soins.
Dans le cadre du plan présenté par François Bayrou pour lutter contre les déserts médicaux, ce dispositif est renforcé : il vise à favoriser une meilleure répartition des tâches entre les professionnels de santé, à accélérer la mise en œuvre de protocoles locaux adaptés aux besoins spécifiques des territoires, et à reconnaître davantage les compétences élargies des soignants non médecins.
Cette approche, en valorisant le travail en équipe et la délégation de tâches, contribue directement à désengorger les cabinets médicaux et à garantir une offre de soins de proximité, notamment dans les zones en déserts médicaux et sous-dotés.
Sources :