Enfant difficile à table : que faire ?
Faire manger équilibré à un enfant n’est pas chose aisée : à partir de 2 ans survient souvent une période de rejet des nouveaux aliments, la néophobie alimentaire.
Toutefois, quelques astuces peuvent permettre d’éviter à l’enfant de devenir difficile à table et hyper-sélectif sur les aliments consommés.
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Pourquoi un enfant est-il difficile à table ?
La néophobie alimentaire
Mettre en place une alimentation équilibrée chez l’enfant requière une transition et des changements importants. Cela est d’autant plus vrai chez l’humain, puisqu’il vit ce que le sociologue Claude Fischler appelle « le paradoxe de l’omnivore ».
Un paradoxe donc, puisque l’humain est sous l’influence de deux attitudes simultanées, et pourtant contradictoires : d’une part, un besoin de variété alimentaire et donc une attraction pour la nouveauté, et de l’autre, la crainte d’ingérer des produits nocifs, potentiellement dangereux pour lui.
Ainsi, il est normal qu’un enfant préfère les aliments qu’il connaît, cela est rassurant. Pourtant, pour son développement, une alimentation variée et équilibrée est essentielle.
Chez l’enfant, cette peur de la nouveauté est appelée « néophobie alimentaire » et se caractérise par le refus d’aliments nouveaux ou un refus d’aliments acceptés antérieurement (restriction du registre alimentaire habituel). La néophobie est particulièrement fréquente puisqu’elle concernerait 77% des enfants de 2 à 10 ans.
Naturellement, les enfants sont attirés par les aliments denses en énergie (instinct de survie), donc souvent gras et sucrés. À l’inverse, les aliments acides et amers sont souvent synonymes de poison dans la nature, d’où un rejet inné.
L’attrait pour les légumes, notamment ceux peu sucrés et à goûts forts (choux, épinards…), n’est donc pas inné et les enfants doivent apprendre à les apprécier.
Quand la néophobie devient trop importante, elle peut se traduire par une sélectivité, voire une hyper-sélectivité alimentaire où l’enfant ne consomme plus qu’un type d’aliment, avec des risques de carences. Si la néophobie alimentaire est naturelle chez l’enfant, l’éducation peut permettre de la dépasser et d’atteindre une alimentation variée et saine.
Comment limiter les risques d’hyper-sélectivité alimentaire chez l’enfant ?
Un enfant difficile à table n’est pas une fatalité et cela peut commencer sur de bonnes bases.
Afin de favoriser l’acceptation d’un aliment, puis l’appréciation de celui-ci, il faut que l’enfant ait eu assez de contacts avec cet aliment, c’est-à-dire qu’il ait pu le goûter plusieurs fois, dans de bonnes conditions.
Ainsi, plus l’enfant a découvert d’aliments lors de la diversification, de façon répétée, plus son répertoire alimentaire sera riche et meilleures seront les chances qu’il accepte une alimentation variée et équilibrée. Cela commence par lui présenter, les mettre sur la table, sans le forcer à en manger, pour qu’il puisse les apprivoiser.
L’éducation exerce aussi une influence sur l’alimentation de l’enfant. Par exemple, un mode éducatif permissif, où les parents n’achètent que ce que l’enfant aime, risque de limiter la découverte de nouveaux aliments et accentuer la sélectivité alimentaire.
De plus, favoriser l’acceptation de nouveaux aliments se traduit aussi par montrer l’exemple : en montrant comment faire, sans toutefois le forcer, les parents incitent l’enfant à goûter. Les enfants sont aussi sensibles à ce que font leurs pairs : si les autres enfants autour de lui mangent un aliment, il sera plus facile pour lui de les imiter.
Enfin, il est essentiel de ne pas cristalliser de tension autour du moment du repas, c’est-à-dire :
- Ne pas forcer à manger, ou à finir son assiette : il est important d’apprendre à un enfant à écouter et respecter sa faim et sa satiété.
- Ne pas utiliser de conduites « incitatives » (« si tu finis ton assiette, tu pourras regarder la télévision ») : ces dernières ne fonctionnent pas et peuvent même avoir l’effet opposé à celui recherché.
- Ne pas transformer les repas en bras de fer : si l’enfant a besoin de s’opposer et les parents de proposer une alimentation équilibrée, le repas peut devenir une source d’angoisse pour chacun, diminuant le plaisir de passer un moment à table.
- Chercher le dialogue si celui-ci est possible : certaines raisons du refus de nouveaux aliments peuvent paraître anodines aux yeux des adultes mais ne le sont pas pour l’enfant.
Enfin, il convient de se rappeler que le refus de certains aliments est rarement préjudiciable pour la santé. Tant que l’enfant consomme des aliments au sein de chaque groupe, il devrait disposer des éléments nécessaires à sa croissance.
Pas de stress donc, mais trois maîtres mots : compréhension, patience et persévérance.
En cas de difficulté, il est possible de demander de l’aide au médecin de son enfant ou à un psychologue spécialisé.
Si l’enfant ne veut pas manger
Même s’il a habituellement une alimentation variée et équilibrée, plusieurs raisons peuvent expliquer qu’un enfant ne veuille pas manger à un repas. Il ne s’agit pas toujours du menu, mais parfois plus du contexte autour du repas, par exemple :
- Il n’a pas faim : les enfants sont souvent plus à l’écoute de leurs sensations alimentaires, il est important de lui apprendre à les respecter et à ne pas se forcer.
- Il ressent une douleur, un inconfort, de la fatigue ou il est contrarié : s’il est en âge de parler, lui poser la question pourra permettre d’améliorer la situation.
- Il veut manger seul et gagner en autonomie…
L’important dans cette situation avec l’enfant n’est pas l’équilibre alimentaire à tout prix, mais la patience et la bienveillance. L’apprentissage le plus important à ce moment là pour l’enfant est la confiance qu’il a en ses parents et dans le fait qu’ils respecteront ses besoins.
Comment rendre amusante une alimentation saine ?
Impliquer les enfants dans leur alimentation
L’alimentation est un apprentissage pour l’enfant, du goût et de l’équilibre alimentaire certes, mais pas seulement. Les moments à table permettent également la sociabilisation et l’apprentissage des responsabilités.
Ainsi, la nutritionniste Ellyn Satter a développé le principe du partage des responsabilités :
- L’adulte, d’une part, est responsable des aliments servis aux repas, des horaires de ceux-ci et du lieu où mange la famille.
- L’enfant, d’autre part, est responsable de la quantité d’aliments qu’il consomme, celle-ci pouvant être nulle pour l’un des aliments.
Ce partage des responsabilités permet un apprentissage d’une alimentation variée et équilibrée selon les besoins de l’enfant, que lui-seul connaît exactement.
Pour aller plus loin, quand l’enfant est en âge de le faire, il est possible de :
- L’emmener faire les courses : lui parler des aliments présents au marché ou au supermarché, en lui demandant son avis, voire le faire conduire un mini-caddy pour l’impliquer.
- Le faire participer à la cuisine, selon son âge et sa dextérité, en lui faisant éplucher les légumes par exemple.
- Si cela est possible, créer ou entretenir avec lui un potager.
- Le faire participer à la planification des repas et lui proposer par exemple de choisir un repas.
Cuisiner des repas fun et sains
Pour favoriser une alimentation saine et équilibrée, tout en étant attrayante pour l’enfant, il est possible d’appliquer les quelques astuces suivantes :
- Jouer sur les associations : mélanger des aliments qu’il connaît et qu’il aime, avec d’autres qu’il ne connaît pas encore.
- Essayer d’autres aliments de la même famille que celui qu’il rejette.
- Mettre en scène l’assiette : créer des décors ou des têtes de bonhomme avec les aliments, utiliser des assiettes avec des images au fond, qu’il pourra découvrir à force de manger.
- Créer des repas consommables avec les doigts.
- Cuisiner des recettes originales avec des légumes : potages, gratins, tartes, purées…
- Recréer les aliments de fast-food à la maison : nuggets, frites, burger…
- Dresser une jolie table pour faire du repas un moment spécial.
Sain ou gourmand : faut-il vraiment choisir ?
Qu’est-ce qu’un aliment sain pour un enfant ?
Un aliment sain pour un enfant est avant tout l’aliment dont il a besoin à ce moment-là. Les enfants sont souvent beaucoup plus connectés à leurs besoins nutritionnels que les adultes.
En proposant régulièrement des aliments issus de toutes les familles, l’enfant apprend à les découvrir et à les apprécier, puis à les vouloir quand il en aura besoin.
Aucun aliment n’est à interdire aux enfants, à part ceux qui peuvent présenter un risque immédiat pour leur santé (viande ou poisson cru par exemple).
Une consommation régulière de fruits et légumes, produits laitiers, céréales, légumineuses, matières grasses… mais aussi d’aliments plaisir est donc importante sur le long-terme.
Développer un rapport sain à l’alimentation chez l’enfant
S’il est commun de scinder les aliments en deux catégories (les bons et les mauvais, les grossissants et les non-grossissants), cette vision risque de créer un rapport compliqué à l’alimentation chez l’enfant et de le détourner de ses sensations alimentaires.
En effet, plus on évite les aliments « mauvais », plus on engendre un effet de transgression augmentant leur consommation. À l’inverse, une relation saine avec les aliments permet de manger ce qui nous fait envie et de réduire la prise alimentaire totale.
C’est l’un des principes de l’alimentation intuitive, le fait de manger en suivant ses besoins : faim, envies de manger, satiété et rassasiement.
Pour aider l’enfant à développer un rapport sain à l’alimentation, voici quelques pistes :
- Proposer sans forcer (encore et toujours) les nouveaux aliments.
- Lui faire confiance sur les aliments qu’il souhaite consommer parmi ceux proposés, et sur la quantité qu’il en consomme.
- Limiter les affects liés à la nourriture : chantage (« si tu ne finis pas tes brocolis, tu n’auras pas de chocolat »), récompense, négociation, fierté (« bravo, tu as fini ton assiette, tu es un bon garçon »), colère…
- Le faire parler de ce qu’il ressent avec ses 5 sens lorsqu’il mange différents aliments, comparer avec ses sensations d’adulte, en validant les différents points de vue.
Si l’hyper-sélectivité devient trop compliquée à gérer, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide auprès d’un professionnel de l’enfance.
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Propos écrits par Amanda Huguet-Millot, Diététicienne-Nutritionniste et Ingénieure en Alimentation & Santé
Sources :
- Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) – Ciqual : Table de composition nutritionnelle des aliments
- Birch, L. L., Fisher, J. O., & Davison, K. K. (2003). Learning to overeat: maternal use of restrictive feeding practices promotes girls' eating in the absence of hunger. The American journal of clinical nutrition,
- Chandon, P., & Cornil, Y. (2022). More value from less food? Effects of epicurean labeling on moderate eating in the United States and in France. Appetite,
- Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) – Révision des repères alimentaires pour les enfants de 0-36 mois et 3-17 ans
- MPEDIA - Mon enfant ne mange pas de légumes, la sélectivité alimentaire
- Polivy, J. (1996). Psychological consequences of food restriction. Journal of the American dietetic association, 96(6), 589-592.
- Progrès en pédiatrie. Alimentation de l’enfant en situations normale et pathologique. Doin éditeurs 2ème édition. 2012
- Santé Publique France – Manger Bouger : Enfants et adolescents de 4 à 17 ans