Œil paresseux : tout savoir sur l’amblyopie infantile
En France, 20 % des enfants sont concernés par des troubles visuels avant l’âge de 6 ans. Parmi les troubles qu’il est indispensable de dépister le plus tôt possible figure l’amblyopie, plus connue sous le nom « d’œil paresseux ». Quelle est la nature de ce trouble, comment le dépister et le traiter ? On fait le point.
Qu’est-ce que l’amblyopie ?
Définition médicale de l’amblyopie
L’amblyopie désigne une déficience visuelle plus ou moins sévère affectant l’un des deux yeux avec diminution de la performance visuelle d’un œil par rapport à l’autre.
À la longue, l’œil atteint qui n’envoie pas d’informations visuelles correctes au cerveau finit par ne plus être utilisé. Notons que si l'amblyopie n'est pas détectée et traitée tôt au cours de l'enfance, l’œil atteint risque une perte de vision sévère.
Pourquoi parle-t-on d’« œil paresseux » ?
Le développement du système visuel de l’enfant a lieu durant ses trois premières années de vie et peut se poursuivre jusqu’à l’âge de 8 ans. Mais pour que ce développement se fasse de façon harmonieuse, le cerveau de l’enfant doit recevoir en simultané une image claire, nette et alignée en provenance de chaque œil.
L'amblyopie est causée par une interférence persistante avec l'image provenant d'un œil mais pas de l'autre. C’est pour cette raison que l’on parle « d’œil paresseux » dont l’image est alors supprimée par le cortex visuel. Si cette suppression persiste assez longtemps, la perte de vision peut être permanente.
Quelle est la différence entre amblyopie et strabisme ?
Chez un nourrisson de moins de six mois, il est normal de constater un léger strabisme. Alternant entre l’œil droit et l’œil gauche, ce strabisme disparaît une fois ses muscles oculaires renforcés.
Mais si ce strabisme persiste au-delà de six mois, le bébé est alors contraint de se servir de ses deux yeux en alternance pour pouvoir voir de façon nette. En l’absence de traitement, le cerveau commence alors à ignorer les signaux envoyés par l'œil plus faible (œil paresseux) avec le risque que la vue de l’œil neutralisé soit irrémédiablement perdue : c’est ce que l’on appelle l’amblyopie.
Quels sont les signes d’une amblyopie chez l’enfant ?
Quels sont les symptômes fréquents à repérer ?
Il faut savoir que l’amblyopie est souvent asymptomatique et que l’enfant ne se plaint pas particulièrement. Il peut néanmoins être amené à se plaindre d’avoir une mauvaise perception du relief.
Lorsqu'un strabisme est en cause dans l’amblyopie, l'entourage de l’enfant peut également remarquer une déviation de son regard.

Quels sont les comportements révélateurs chez le bébé et le jeune enfant ?
S’agissant du bébé ou du jeune enfant, ils ne se rendent pas compte de ce dont ils souffrent ou ne sont tout simplement pas capables d’exprimer leur perception. Ils peuvent parfois cligner d’un œil, se frotter régulièrement un œil voire se plaindre de maux de tête.
Avant 6 mois, il est nécessaire de savoir reconnaître les signes d’appel d’un trouble visuel comme une anomalie objective au niveau des paupières, des globes oculaires, des conjonctives, de la cornée, des pupilles ou bien un strabisme, un nystagmus, un torticolis, ou une anomalie du comportement évoquant un trouble visuel (manque d’intérêt aux stimuli visuels, absence de clignement des yeux à la lumière, absence de sourire etc…).
À partir de 6 mois, il est nécessaire de considérer d’autres comportements comme signes d’appel d’un trouble visuel : un enfant qui se cogne, qui tombe fréquemment, qui bute sur les trottoirs, qui plisse des yeux, ferme un œil au soleil etc.
Après l’acquisition de la parole, d’autres signes exprimés par l’enfant peuvent également alerter sur un éventuel trouble visuel (picotements, brûlures oculaires, gène visuelle, diplopie, céphalées).
Quand consulter un ophtalmologiste ?
Vu que l’amblyopie est souvent asymptomatique, il est essentiel de procéder à un dépistage dans l’enfance avant l’âge de 6 ans pour une prise en charge rapide si besoin. Car si elle n’est pas traitée, l’amblyopie peut mener à la perte de l’acuité visuelle à l’âge l’adulte.
Quelles sont les causes de l’amblyopie ?
Troubles visuels associés (strabisme, anisométropie, cataracte congénitale)
L’amblyopie survient lorsque l’un des deux yeux n’est pas assez stimulé. En général, on distingue deux types d’amblyopies :
- Les amblyopies dites « organiques », liées à une pathologie ou à un traumatisme de l’œil.
- Les amblyopies dites « fonctionnelles », liées à un défaut de réfraction, comme un trouble de la réfraction non corrigé.
Parmi les troubles de la réfraction non corrigés pouvant être en cause dans l’amblyopie, citons :
- Le strabisme (non-alignement des globes oculaires) en raison duquel le cerveau va ignorer les signaux envoyés par l'œil plus faible (œil paresseux) avec le risque que la vue de l’œil neutralisé soit irrémédiablement perdue.
- Les troubles de la réfraction (astigmatisme, myopie ou hyperopie) provoquant un flou des images parvenant au cerveau avec une mise au point différente des images rétiniennes.
- Un problème physique avec obstruction de l’axe visuel comme une occlusion, une cicatrice, une maladie de l’œil, une cataracte congénitale (opacification du cristallin).
Facteurs de risque (antécédents familiaux, prématurité, etc.)
Dans l’amblyopie, il existe certains facteurs de risque parmi lesquels des antécédents familiaux d’amblyopie ou de pathologies neurologiques ainsi qu’une naissance prématurée.
Comment diagnostiquer l’amblyopie ?
Âge recommandé pour un dépistage
Le dépistage de l'amblyopie doit débuter immédiatement après la naissance avec l’évaluation du réflexe rouge. Il est ensuite répété à l’occasion des bilans de santé réguliers de l'enfant.
Un test de dépistage est ensuite pratiqué préventivement à l’école maternelle et/ou à l’école primaire afin de détecter au plus vite l’amblyopie.
C’est donc à l’occasion d’un examen ophtalmique de routine que l’ambliopie peut être diagnostiquée. Certes, le diagnostic est plus délicat chez le très jeune enfant mais lorsqu’il grandit, il peut participer à l’examen ophtalmologique.
Examens pratiqués par l’ophtalmologiste pédiatrique
Chez l’enfant, le dépistage de l’amblyopie consiste à rechercher une anomalie de la fonction visuelle ou l’une des trois causes d’amblyopie citées précédemment. Il nécessite :
| Un examen réfractif | Pour diagnostiquer l’anisométropie et les amétropies fortes potentiellement pourvoyeuses de strabisme. Chez le tout jeune enfant qui ne parle pas encore et chez l’enfant présentant des troubles du développement ou de l’apprentissage, on a recours au photodépistage. Cet examen identifie les facteurs de risque d'amblyopie grâce à l’analyse par une caméra spéciale des réflexes rouges lors de la fixation sur une cible visuelle. Chez l'enfant plus âgé, le dépistage fait appel à des tests d'acuité visuelle utilisant des dessins, des lettres ou des chiffres qui ne nécessitent pas de connaître l'alphabet. |
| Un examen oculomoteur (test de l’écran alterné ou test couvert/découvert) | Pour confirmer ou exclure la présence d’un strabisme. |
| Une dilatation | Pour un examen anatomique du fond d’œil. |
Importance du dépistage précoce (avant 6 ans)
Notons que ce dépistage doit être réalisé pendant les dix premières années de vie de l’enfant et particulièrement pendant ses premières années de vie. C’est en effet durant cette période que sa plasticité cérébrale est maximale. Par ailleurs, le pronostic fonctionnel sera d’autant meilleur que la prise en charge aura été précoce.
Quels traitements pour l’œil paresseux ?
Port de lunettes correctrices
Le traitement de l'amblyopie réfractive repose avant tout sur la correction de l’anomalie de la réfraction à travers le port à temps plein de lunettes ou de lentilles de contact sous surveillance stricte. L’objectif étant de stabiliser l’amélioration de l’acuité visuelle avant d’entamer un traitement d’occlusion.
Le traitement de l’amblyopie peut également nécessiter de libérer l'axe visuel au moyen de l’ablation d'une cataracte.
Occlusion (cache-œil) : comment ça fonctionne ?
Lorsque l’amblyopie est causée par un strabisme, un traitement d'occlusion de l'œil dominant est alors préconisé en amont du traitement du strabisme.
L’objectif ? Contraindre le cerveau à utiliser l'œil amblyope afin de le stimuler.
Pour cela, il convient de recouvrir le meilleur œil d'un cache-œil pour donner un avantage visuel à l'œil amblyope. Bien qu’il soit long et contraignant pour les plus jeunes, ce traitement de référence s’avère néanmoins efficace et permet à l’œil paresseux de retrouver une acuité normale au bout de quelques mois s’il est instauré précocement.
Notons que plus l’amblyopie est traitée tôt, meilleures sont les chances d’une récupération totale.
Autres méthodes : pénalisation, thérapie visuelle
Durée du traitement et suivi médical
Durant toute la phase d'attaque du traitement, l’occlusion est généralement totale et sa durée dépend de l'âge de l’enfant (3 semaines pour un enfant de 3 ans, 4 semaines pour un enfant de 4 ans etc.).
Elle peut également se prolonger jusqu'au moment où l'œil amblyope récupère la même acuité visuelle que l'œil sain, ou que l’on observe une progression de l'acuité.
Une fois l'amélioration stabilisée, un traitement d'entretien sera ensuite mené jusqu’aux 12 ans de l’enfant.
Que faire en cas de refus du cache-œil par l’enfant ?
Dans la mesure du possible, il convient d’expliquer à l’enfant et à ses parents que si l’occlusion est difficile à supporter au début, leur motivation et leur coopération sont indispensables à la réussite du traitement.
En cas de refus du cache-œil par l’enfant, il existe une alternative : la pénalisation optique. Cette méthode consiste à instiller des gouttes d'atropine dans l'œil dominant de l’enfant pour flouter sa vision de près et le contraindre à utiliser son œil amblyope.
Amblyopie chez l’adulte : est-ce encore traitable ?
Limites de la plasticité visuelle après l’enfance
Le traitement de l'amblyopie nécessite une neuroplasticité importante du cortex visuel. Le système nerveux central et ses connexions synaptiques doivent en effet être capables d’adapter leur structure et leur fonction.
Ce niveau élevé de neuroplasticité s’observe au cours de l’enfance, durant une période définie appelée « période sensible ». Une fois constituée, l’amblyopie ne serait donc réversible sous traitement que pendant cette période sensible. Ainsi, le meilleur moment pour le traitement de l’amblyopie se situerait avant l’âge de 3 ans.
Approches thérapeutiques tardives : efficacité relative
Bien que l’amblyopie soit souvent considérée comme incurable après l’enfance en raison d’une plasticité cérébrale limitée, de récentes recherches suggèrent que les enfants amblyopes plus âgés, voire certains adultes, pourraient également bénéficier d’un traitement visant à stimuler les connexions neuronales de l’œil paresseux.
Ce qu’il faut retenir
Par amblyopie ou « œil paresseux », on entend la diminution fonctionnelle de l'acuité visuelle d'un œil causée par l’arrêt de l’utilisation de cet œil au cours du développement visuel. Plus l’amblyopie est traitée tôt et plus les chances de récupération sont grandes.
Mais si l'amblyopie n'est pas détectée et prise en charge précocement, l’enfant risque une perte de vision sévère dans l'œil atteint.
FAQ – Amblyopie : vos questions fréquentes
À quel âge peut-on détecter une amblyopie ?
Le dépistage de l'amblyopie (et du strabisme) commence immédiatement après la naissance par une évaluation du réflexe rouge. Ce dépistage est répété à l’occasion des bilans de santé de routine de l'enfant.
L’amblyopie est-elle réversible à l’âge adulte ?
L’amblyopie peut être traitée durant la période de développement de la vision, c’est-à-dire pendant les six premières années de vie puis elle devient progressivement définitive. Si l’amblyopie n’est pas diagnostiquée avant l’âge de 8 ans, elle peut devenir irréversible.
Mon enfant refuse le cache-œil, que faire ?
Face à un enfant qui refuse de porter le cache-œil, il est important d’être sûr de soi et d’être convaincu que c’est ce qu’il y a de mieux pour lui. Le port du cache-œil est non négociable. De de fait, il convient de montrer de l’empathie envers l’enfant, de le soutenir, de le valoriser et surtout de le rassurer quant à l’issue favorable de ce traitement.
Par ailleurs, il est possible d’impliquer l’enfant dans le port du cache-œil en lui faisant choisir des caches colorés ou à motifs selon ses goûts et son humeur.
Combien de temps dure un traitement pour œil paresseux ?
Le traitement pour œil paresseux dure jusqu'au moment où l'œil amblyope récupère la même acuité visuelle que l'œil sain, ou que l’on observe une progression de l'acuité. Une fois l'amélioration stabilisée, un traitement d'entretien est ensuite mené jusqu’aux 12 ans de l’enfant.
L’amblyopie peut-elle entraîner la cécité si non traitée ?
Oui, l'amblyopie peut entraîner une perte de vision permanente si elle n'est pas diagnostiquée et traitée tôt dans l'enfance, avant que le système visuel ne soit mature.
Déborah Lachkar, Dr en Pharmacie
Sources :
- MSD Manuals - Amblyopie
- Ministère de la santé - Dépistage des troubles visuels chez l’enfant
- Haute Autorité de Santé - Dépistage précoce des troubles de la fonction visuelle chez l’enfant pour prévenir l’amblyopie
- Elsan - Amblyopie : définition, symptômes et traitements
- Association francophone de strabologie et d’Ophtalmologie pédiatrique - Strabisme
- VIDAL - Les troubles de la vision chez l'enfant
- ANAES - Dépistage précoce des troubles de la fonction visuelle chez l’enfant pour prévenir l’amblyopie
- Association Francophone de Strabologie et d’Ophtalmologie Pédiatrique Société Française d’Ophtalmologie - Recommandations de dépistage des troubles visuels chez l’enfant