Quelle prise en charge pour les soins en santé mentale en France ?

La santé mentale est devenue un enjeu majeur de santé publique en France. Avec près de 13 millions de personnes touchées chaque année par des troubles psychiques, soit environ une personne sur cinq, la question de l'accès aux soins et de leur remboursement est cruciale.
Face à cette réalité, l'Assurance Maladie et les pouvoirs publics ont mis en place diverses mesures pour améliorer la prise en charge des patients.
L'ampleur des troubles psychiques en France
Selon les données de l'Assurance Maladie, la santé mentale représente le premier poste de dépenses, avec 23,3 milliards d'euros en 2020, soit près de 14 % des dépenses totales de santé.
Les troubles psychiques touchent environ 13 millions de personnes chaque année, incluant des pathologies telles que la dépression, l'anxiété ou les troubles bipolaires.
En sachant que le coût moyen par patient est estimé à 2 800 euros, englobant les consultations, les hospitalisations et les traitements médicamenteux.
Faciliter l’accès aux soins psychologiques
Actualisation de la feuille de route quinquennale
Les 37 mesures de la feuille de route quinquennale « santé mentale et psychiatrie » ont été actualisées en 2021, à la suite du Ségur de la Santé, puis des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, initiées par Emmanuel Macron. Aux 1,4 milliard d’euros mobilisés entre 2018 et 2021, se sont ajoutés 1,9 milliard supplémentaires engagés jusqu’en 2026.
Initiatives pour la qualité de vie au travail et la formation
Parmi les principales avancées de ces cinq dernières années : la création en juillet 2018 d’un observatoire de la qualité de vie au travail, avec une attention particulière portée aux professionnels de santé, fortement exposés aux risques psychosociaux ; puis, en 2019, la nomination d’un délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie auprès du ministre de la Santé.
La durée de formation des futurs psychiatres et pédopsychiatres a par ailleurs été étendue à cinq ans, afin de mieux répondre aux spécificités de la discipline.
Ligne d'assistance nationale : le 3114
Autre mesure emblématique : le lancement, en octobre 2021, du 3114, numéro national gratuit de prévention du suicide. Accessible 24h/24 et 7j/7 sur l’ensemble du territoire, il avait reçu environ 200 000 appels à la fin décembre.
Dispositif MonParcoursPsy
Initiative phare issue des Assises : le dispositif MonParcoursPsy, lancé en avril 2022. Il permet aux personnes présentant des troubles psychologiques légers à modérés de bénéficier de huit séances remboursées chez un psychologue conventionné.
Fin janvier, 90 642 patients avaient utilisé ce service, dont 71 % de femmes et 10 % de personnes en situation de précarité, avec une moyenne de quatre séances par patient. Cependant, seuls 2 200 psychologues s’étaient portés volontaires pour intégrer le dispositif.
Autres actions
En parallèle, plus de 20 millions d’euros ont été investis dans les centres médico-psychologiques entre 2019 et 2021. En 2021, le président de la République annonçait l’ouverture de 800 postes supplémentaires dans ces structures.
Enfin, une expérimentation a été lancée pour la période 2023-2025 dans plusieurs régions autour des Maisons de l’enfant et de la famille (MEF), visant à soutenir les familles confrontées aux troubles psychiques chez les enfants et adolescents.
Cette démarche s’inscrit dans une logique de prévention : selon l’OMS, plus de 50 % des pathologies psychiatriques de l’adulte apparaissent avant l’âge de 16 ans, rappelait le Sénat dans un rapport de 2017.
Les dispositifs de prise en charge
Le rôle du médecin généraliste
Le médecin traitant est souvent le premier interlocuteur en cas de souffrance psychique. Il évalue la situation, prescrit des traitements si nécessaire et oriente vers des spécialistes. En 2023, 75 % des consultations pour troubles psychiques ont débuté chez le généraliste.
Les Centres Médico-Psychologiques (CMP)
Les CMP offrent des consultations gratuites avec des psychiatres et psychologues. En 2024, la France compte 2 100 CMP répartis sur le territoire. Cependant, les délais d'attente peuvent varier de 2 à 6 mois selon les régions.
Le dispositif "Mon soutien psy"
Mis en place en 2022, "Mon soutien psy" permet le remboursement de 8 séances annuelles chez un psychologue agréé : 40 € pour la première consultation et 30 € pour les suivantes. Ce dispositif vise à prévenir l'aggravation des troubles psychiques en facilitant l'accès aux soins.
Télémédecin et santé mentale
Le développement des plateformes de télémédecine a largement contribué à faciliter l’accès aux soins, notamment en santé mentale. Ces pratiques se sont largement démocratisées à la suite de la crise du Covid-19, qui a eu un impact significatif sur la santé mentale des patients parfois isolés.
Aussi, la télémédecine a pu être un pont entre médecins et patients à distance en cette période troublée et par la suite a offert un accès plus confortable aux patients avec un suivi ou un accès aux soins simplifiés.
D’ailleurs, selon l’assurance maladie, la psychiatrie est la deuxième spécialité la plus pratiquée (après la médecine générale) en téléconsultation par les médecins.
L’alerte de la FHF
Selon un sondage Ipsos publié le 25 mars 2025 par la Fédération des hôpitaux publics (FHF) et réalisé fin février auprès d’un échantillon représentatif de 1 500 adultes, une personne sur deux ayant été confrontée à des troubles de santé mentale a déjà rencontré des difficultés d’accès aux soins.
En tout, 23 % des participants (soit 337 personnes) déclarent avoir souffert d’un problème de santé mentale. Cette proportion grimpe à 34 % chez les moins de 35 ans et à 29 % chez les femmes.
Parmi ces personnes concernées, 52 % évoquent au moins un obstacle dans leur parcours de soins :
- impossibilité d’obtenir un rendez-vous avec un psychiatre (41 %),
- délais trop longs pour consulter un professionnel (47 %),
- rupture dans le suivi médical (36 %)
- ou encore manque de coordination entre la médecine de ville et l’hôpital (34 %).
En conséquence, seuls 70 % des patients souffrant de troubles psychiques sont actuellement suivis, principalement par un médecin généraliste (57 %). Seuls 22 % bénéficient d’un suivi par un psychiatre, et 14 % sont pris en charge par un centre médico-psychologique (CMP).
Enfin, 35 % des personnes concernées déclarent avoir rencontré des difficultés liées à leur traitement, qu’il s’agisse de retards dans le renouvellement de prescription ou d’indisponibilité de médicaments.
Malgré ces dispositifs, plusieurs défis persistent :
Inégalités territoriales | Certaines régions manquent de professionnels de santé mentale, entraînant des délais d'attente prolongés. |
Stigmatisation | La peur du jugement peut dissuader certaines personnes de consulter. |
Charge financière | Malgré les remboursements, le coût des soins peut rester un frein pour certains patients. |
La santé mentale est un enjeu de santé publique majeur en France. Si des progrès ont été réalisés en termes de prise en charge et de remboursement, des efforts restent nécessaires pour garantir un accès équitable et rapide aux soins pour tous.
La sensibilisation, la formation des professionnels et l'augmentation des ressources allouées à la santé mentale sont autant de leviers à actionner pour améliorer la situation.
Sources :
- Le Monde - La santé mentale érigée en « grande cause », alors que le système de soins est débordé
- Particulier APICIL - Santé mentale : les Français anxieux et fatigués
- Santé Quotidien - La Santé Mentale : Une Priorité pour l’Assurance Maladie en France
- Santé Mentale - La santé mentale représente 14% des dépenses de santé
- SÉNAT - RAPPORT D´INFORMATION
- Public Sénat - Près de deux ans après les assises de la psychiatrie, le secteur de la santé mentale toujours en état d’urgence
- Légi France - Décret n° 2021-1255 du 29 septembre 2021 relatif à la réforme du financement des activités de psychiatrie
- Le Quotidien du Médecin - Accès aux soins psy : l’alerte de la FHF
- FHF - Santé mentale et psychiatrie : des difficultés d’accès aux soins persistantes et un recours aux soins hospitaliers très préoccupant chez les plus jeunes
- Santé Gouv - Assises de la santé mentale et de la psychiatrie : des ambitions pour la santé de chacun
- AMELI - Le parcours de prise en charge d’un patient dans le cadre du dispositif Mon soutien psy
- AMELI - Médecins généralistes et spécialistes : ce qui change pour les assurés en 2025