En France, l’alcoolisme ou alcoolodépendance concerne près de 1,5 millions de Français. Et s’il était possible de combattre l’addiction à l’alcool à l’aide de psychédéliques ?
C’est l’hypothèse originale soutenue par des chercheurs français de l’Inserm qui ont mené une étude sur les effets de la psilocybine, un composé actif des champignons hallucinogènes. Zoom sur les conclusions de ces travaux inédits.
L’alcoolodépendance désigne une addiction à l’alcool qui concerne près de 1,5 millions de Français et provoque 33 000 à 49 000 décès par an. Une telle consommation de boissons alcoolisées est considérée comme nocive lorsqu’elle dépasse quatre verres par jour pour une femme et six verres par jour pour un homme.
Et d’après la définition de l’Organisation mondiale de la santé, l’alcoolodépendance ne fait plus de doute quand l’envie de boire de l’alcool devient compulsive et doit absolument être assouvie.
Par ailleurs, on estime que 2,5 millions de personnes en France présentent une consommation d’alcool « à risque » mais tout en réussissant à contrôler leur addiction. Pour l’Organisation mondiale de la santé, la consommation est dite « à risque » à partir d’une consommation moyenne quotidienne de deux à quatre verres par jour pour une femme, et de quatre à six verres par jour pour un homme.
Or, il faut savoir que cette consommation d’alcool excessive ou à risque n’est pas sans conséquences sur la vie professionnelle, sociale et familiale des personnes alcoolodépendantes. Variables selon l’âge et la situation de chacun, il peut s’agir d’absentéisme au travail, de chômage, de violences conjugales et sexuelles, de divorce, d’isolement social etc…
La fréquence et la sévérité des conséquences sociales de l’alcoolodépendance sont proportionnelles à la quantité d’alcool consommée.
La santé des personnes alcoolodépendantes n’est pas non plus épargnée avec l’aggravation de plus de soixante maladies et l’apparition de certaines d’entre elles (comme les cancers, cirrhose du foie, accidents vasculaires cérébraux, troubles du rythme cardiaque, arrêts cardiaques, dépression, troubles du sommeil etc…).
D’où l’importance d’aider les personnes dépendantes à réduire autant que possible voire à arrêter leur consommation d’alcool si elles en sont capables. Sachant que dans certains cas (pancréatite alcoolique chronique, hépatites virales à un stade avancé, cirrhose du foie), le sevrage complet et le maintien de l’abstinence sont impératifs car vitaux.
Dans ce contexte, une étude menée par une équipe de chercheurs français de l’Inserm s’est intéressée aux propriétés de la psilocybine (composé actif des champignons hallucinogènes) dans le traitement de l’addiction à l’alcool.
En administrant de la psilocybine à des modèles de rats dépendants à l’alcool, les scientifiques ont observé que cette molécule réduisait de moitié leur consommation d’alcool. Forts de ce constat, ils ont entrepris d’étudier plus en profondeur les propriétés de ce composé dans le cadre du traitement de l’alcoolodépendance.
Pour cela, les chercheurs se sont focalisés sur une zone précise du cerveau qu’on appelle le « noyau accumbens ». Cette zone joue un rôle central dans l’effet d’addiction car elle transmet les effets plaisants des drogues ainsi que l’envie de les consommer. Les scientifiques ont ainsi mesuré dans cette zone cérébrale l’expression de certains gènes connus pour être impliqués dans l’addiction à l’alcool.
Ils ont ainsi observé que les effets de la psilocybine étaient différents selon qu’ils considéraient la zone droite ou la zone gauche du cerveau. L’expression de certains gènes était en effet soit augmentée, soit réduite selon la zone cérébrale concernée.
Les chercheurs ont ensuite étudié les effets de l’injection de psilocybine, soit dans le noyau accumbens gauche, soit dans le noyau accumbens droit, et ont alors observé que les effets étaient différents :
Désireux de mieux comprendre les mécanismes biologiques impliqués, les chercheurs se sont alors penchés sur les récepteurs 5-HT2A de la sérotonine sur lesquels la psilocybine agit pour provoquer ses effets hallucinogènes. Après traitement par la psilocybine, ces récepteurs ont été surexprimés.
A contrario, le blocage de ces récepteurs directement dans le noyau accumbens gauche empêchait la psilocybine de réduire la consommation d’alcool, ce qui n’était pas le cas dans le noyau accumbens droit.
Ces travaux ont également révélé un autre mécanisme biologique potentiel familier de l’addiction. En administrant de la psilocybine aux rats consommateurs d’alcool, l’expression des récepteurs D2 de la dopamine dans le noyau accumbens a été augmentée.
Or, l’expression des récepteurs D2 est réduite chez les individus alcoolodépendants. Ce constat soutient ainsi l’hypothèse d’un effet bénéfique de la psilocybine sur l’addiction à l’alcool.
Pour les auteurs de l’étude, ces résultats sont intéressants en ce sens qu’ils démontrent de façon inédite une action différente de la psilocybine sur l’expression des gènes en fonction de l’hémisphère cérébral de l’individu. Ils soulignent également le rôle particulier du noyau accumbens gauche dans les effets de réduction de la consommation d’alcool.
Publiées dans la revue scientifique Brain, ces conclusions ouvrent ainsi de nouvelles perspectives thérapeutiques pour le traitement de l’alcoolodépendance au moyen de la psilocybine. Les chercheurs prévoient d’ores et déjà d’approfondir les investigations quant à la latéralisation des effets de la psilocybine et de savoir s’il en est de même pour les autres psychédéliques comme le LSD.
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