La dénutrition est une pathologie qui survient lors d’un déséquilibre prolongé entre les besoins et les dépenses nutritionnelles, notamment en calories et protéines. Caractérisée par un amaigrissement et une fonte musculaire, la dénutrition toucherait 2 millions de Français, dont 800 000 personnes âgées, selon l’Assurance Maladie.
La dénutrition peut avoir des conséquences graves et multiplie le risque de mortalité par 4 chez la personne âgée. Il est donc essentiel de la diagnostiquer au plus tôt et de la traiter.
Qu’est-ce que la dénutrition ?
Définition de la dénutrition
La dénutrition survient lorsque le corps reçoit trop peu d’énergie et de nutriments (notamment les protéines) pour couvrir ses besoins et donc fonctionner correctement.
Il en résulte alors un changement mesurable des fonctions et/ou de la composition corporelle, et une aggravation du pronostic des maladies.
La dénutrition résulte ainsi de trois types de mécanismes, pouvant être associés ou non :
- Dénutrition par réduction des apports alimentaires : dénutrition globale (protéino-énergétique).
- Dénutrition par augmentation des pertes (hypermétabolisme) : liée à un facteur d’agression pour le corps, augmentant les besoins nutritionnels (brûlure importante, chirurgie lourde…).
- Augmentation des besoins énergétiques, non-couverts par l’alimentation.
La dénutrition protéino-énergétique est ainsi la conséquence d’un bilan protéique et énergétique (calories) déficitaire : les apports sont inférieurs aux dépenses et pertes. En effet, dans ce cas, on constate alors un amaigrissement important et une perte de masse musculaire, qui peuvent, si l’insuffisance d’apports se prolonge, entraîner une dénutrition.
Quelle est la différence entre dénutrition et malnutrition ?
La malnutrition est un concept plus large que la dénutrition. Elle comprend ainsi plusieurs typologies de problèmes nutritionnels :
- Les carences ou excès en certains micronutriments (vitamines et minéraux).
- Les maladies liées aux déséquilibres alimentaires (troubles métaboliques, surpoids, obésité…)
- La dénutrition.
À noter : il est tout à fait possible d’être en surpoids ou obèse et dénutri. Une fonte musculaire peut en effet être indépendante de la masse grasse. Ceci peut compliquer le diagnostic de la dénutrition du fait de nos représentations sur le surpoids et sur l’obésité.
Causes et facteurs de risques de la dénutrition
Quels sont les facteurs favorisants la dénutrition ?
Toute augmentation des besoins et/ou réduction des apports nutritionnels entraîne un risque de survenue de la dénutrition.
La réduction des apports nutritionnels survient principalement lors que l’on perd l’appétit (anorexie), mais pas seulement. Cette diminution de la consommation calorique, responsable de la dénutrition, peut être due à :
- Un changement de mode de vie ou un isolement social : à l’entrée en maison de retraite, lors d’une hospitalisation ou à la perte de son conjoint par exemple.
- Des difficultés financières ou de mobilité.
- Une volonté d’amaigrissement et le suivi d’un régime restrictif.
- Des difficultés à mâcher ou à avaler, des douleurs dans la bouche, un volume important de médicaments à prendre.
- Des troubles psychologiques ou cognitifs tels que l’anorexie mentale, les addictions à certaines substances, la dépression, la maladie d’Alzheimer…
- Des douleurs prolongées ou une maladie chronique : cirrhose, cancer du pancréas, mucoviscidose, alcoolisme…
La dénutrition peut donc être favorisée par de nombreux facteurs psycho-socio-environnementaux.
Du côté des dépenses et des pertes, plusieurs facteurs favorisant la survenue de la dénutrition ont été identifiés :
- Des activités physiques d’endurance, sans modification de l’alimentation habituelle
- Une situation pathologique accroissant les besoins : infection (VIH, tuberculose), des brûlures ou des plaies importantes, insuffisance sévère d’organe, une hyperthyroïdie…
- Des troubles digestifs : diarrhée et vomissements prolongés, malabsorption liée à la maladie cœliaque ou à la maladie de Crohn.
- Des traitements médicamenteux ou une chirurgie lourde (telle que la chirurgie bariatrique).
Qui est le plus à risque de dénutrition ?
Ainsi, les personnes les plus à risques de développer une dénutrition sont les personnes âgées. En effet, celles-ci cumulent en général plusieurs facteurs de risques :
- L’isolement ;
- Les maladies chroniques ;
- La polymédication ;
- Une mauvaise digestion ;
- Des problèmes bucco-dentaires ;
- Une insuffisance de ressources financières…
Mais la dénutrition ne touche pas que les personnes âgées. Elle peut concerner toute personne ayant :
- Une pathologie chronique : douleurs prolongées, mauvaise digestion, insuffisance d’organe…
- Des traitements médicamenteux lourds.
- Été hospitalisée pendant plus de 7-10 jours.
- Une addiction à des substances non-médicamenteuses.
- Une anorexie mentale.
Comment repérer et traiter la dénutrition ?
Quels sont les signes de la dénutrition ?
Symptômes de la dénutrition
Puisque la dénutrition peut avoir des conséquences graves, il est important de la dépister au plus tôt.
On peut soupçonner une dénutrition dans les cas suivants :
- En constatant des prises alimentaires de plus en plus restreintes, pouvant provenir de plusieurs causes (fatigue, difficultés à la mastication ou à la déglutition, douleurs…).
- En cas d’amaigrissement involontaire au cours des 3 derniers mois : en cas de perte de plus de 2kg en 1 mois ou de 4 kilos au cours des 6 derniers mois (chez un adulte), il est judicieux d’en parler à son médecin.
- Lors d’un changement de situation, pouvant favoriser la dénutrition : isolement, difficulté à se déplacer, maladie aiguë récemment déclarée ou maladie chronique, hospitalisation…
Chez l’enfant et l’adolescent, une cassure de la courbe de croissance doit alerter sur un risque de dénutrition.
Lors de la consultation, le médecin pourra poser un diagnostic de dénutrition grâce à différents éléments :
- L’interrogatoire : état de fatigue, perte de poids, modification des conditions de vie, douleurs, état psychologique…
- L’examen clinique : fonte musculaire et graisseuse, sécheresse de la peau, examen de la bouche, présence d’œdèmes, faible force musculaire…
Le diagnostic de dénutrition repose en grande partie sur l’évolution du poids. Ainsi, une personne ayant toujours eu un poids inférieur aux normes de l’indice de masse corporel (maigreur constitutionnelle) n’est pas nécessairement dénutrie. C’est la perte de poids qui caractérise la dénutrition.
Quel bilan sanguin pour la dénutrition ?
En cas de dénutrition, des examens biologiques pourront être réalisés :
- Dosage d’une protéine présente dans le sang (albuminémie), permettant d’évaluer la sévérité de la dénutrition.
- Évaluation du fonctionnement des reins, du foie…
- Marqueurs de l’inflammation, pouvant expliquer la dénutrition…
Quels sont les critères diagnostic pour parler de dénutrition ?
Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), pour les enfants et les adolescents de moins de 18 ans, on parle de dénutrition si au moins 1 des critères phénotypiques suivants est présent :
- Perte de poids d’au moins 5% du poids corporel en 1 mois, ou d’au moins 10% en 6 mois.
- IMC inférieur à 18,5 (sur les courbes IOTF).
- Stagnation du poids, aboutissant à un poids situé 2 couloirs en dessous de celui habituel de l’enfant.
- Réduction de la masse et/ou de la fonction musculaire.
L’un de ces critères doit être associé à au moins l’une des causes de dénutrition (critère étiologique) suivantes :
- Réduction de la prise alimentaire d’au moins 50% pendant plus d’une semaine, ou toute réduction des apports pendant plus de 2 semaines par rapport à la consommation alimentaire habituelle ou aux besoins estimés.
- Absorption réduite : mal digestion ou malabsorption.
- Situation d’agression : maladie aigüe ou chronique évolutive.
Il est indispensable de suivre la taille et le poids de l’enfant à chaque consultation médicale pour pouvoir diagnostiquer une éventuelle dénutrition.
Les critères de diagnostic de la dénutrition chez l’adulte de moins de 70 ans sont globalement les mêmes que pour les enfants, à la différence près que l’on n’utilise bien évidemment pas les courbes de croissance.
Pour les personnes de plus de 70 ans, deux critères phénotypiques s’ajoutent :
- Un IMC inférieur à 22kg/m².
- Une sarcopénie (baisse importante de la masse et de la force musculaire) confirmée.
L’évaluation de la sévérité de la dénutrition se fait sur plusieurs critères :
- IMC (ou courbe pour les enfants).
- Perte de poids (en % du poids corporel avant la maladie).
- Dosage de l’albuminémie.
Quelles sont les conséquences de la dénutrition ?
La dénutrition peut avoir des conséquences graves, parmi lesquelles :
- Des difficultés à cicatriser : notamment en cas de plaie, après une opération chirurgicale ou en cas d’escarres.
- Une diminution de l’immunité, pouvant se manifester par des infections respiratoires ou intestinales plus fréquentes.
- Une faiblesse musculaire, augmentant le risque de chutes et des troubles digestifs.
- Une altération des fonctions intellectuelles et cognitives, une irritabilité.
- Des dérèglements hormonaux : arrêt des règles (aménorrhée), diminution de la libido et de la fertilité.
- Une diminution de la qualité de vie globale…
Comment traiter la dénutrition ?
La première étape du traitement de la dénutrition est d’identifier et prendre en charge la cause de la dénutrition.
Il peut alors s’agir de traiter la douleur ou une maladie, soigner son hygiène bucco-dentaire à l’aide d’un chirurgien-dentiste, remédier à l’isolement…
La prise en charge de la dénutrition peut ensuite passer par différents biais :
- Une activité physique adaptée, en douceur : pour stimuler l’appétit et maintenir la force musculaire.
- Une prise en charge nutritionnelle consistant en l’augmentation des apports caloriques et protéiques, grâce à : des enrichissements de plats (avec du fromage, des œufs, des matières grasses…), la mise en place de collations, la prescription éventuelle de compléments nutritionnels oraux (CNO).
- Une réflexion autour du cadre de vie : pour lutter contre l’isolement, faciliter l’accès aux repas…
En cas de suspicion de dénutrition, pour soi ou son entourage, il ne faut pas attendre pour consulter un médecin.
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Propos écrits par Amanda Huguet-Millot, Diététicienne-Nutritionniste et Ingénieure en Alimentation & Santé
Sources :