Hémochromatose : la reconnaître pour la soigner
L’hémochromatose est la maladie génétique la plus fréquente dans les pays occidentaux. Liée à une mutation génétique, le fer est alors absorbé de manière anormalement élevée et s’accumule dans les tissus.
Les conséquences de l’hémochromatose peuvent toucher de nombreux organes et mettre le pronostic vital en jeu. Pourtant, une prise en charge précoce permet d’éviter la survenue des symptômes et des complications.
Hémochromatose : qu’est-ce que c’est ?
Définition et mécanisme de la maladie
L’hémochromatose est un syndrome génétique fréquent dans les pays occidentaux. Elle se caractérise par une surcharge en fer due à un dérèglement du foie.
Normalement, sur les 20 mg de fer ingérés chaque jour via l’alimentation, seulement 5 à 10 % (soit 1 à 2 mg) sont absorbés par l’intestin sous la régulation de l’hepcidine, une protéine produite par le foie. Ce fer absorbé permet de compenser les pertes naturelles et participe entre autres à la production de l’hémoglobine essentielle au transport de l’oxygène dans le sang.
Dans le cas de l’hémochromatose, l’expression de l’hepcidine est perturbée et entraîne une absorption excessive du fer par l’intestin (qui peut atteindre 5 à 8 mg par jour !). Sans mécanisme naturel d’élimination (comme les menstruations chez la femme), l’accumulation de fer progresse au fil du temps dans l’organisme.
En l'absence de traitement, cette surcharge finit par atteindre certains organes (foie, pancréas, cœur, os, rate, peau…), et provoquer des déséquilibres comme une complication métabolique ou inflammatoire à moyen ou long terme.
En France, environ 1 personne sur 300 est porteuse de l’anomalie génétique à l'origine de l’hémochromatose. Toutefois, être porteur de cette mutation ne conduit pas systématiquement au développement de la maladie.
Hémochromatose héréditaire vs. hémochromatose secondaire : quelles différences ?
L'hémochromatose se présente sous deux formes principales, héréditaire et secondaire :
- De causes génétiques, l’hémochromatose héréditaire résulte principalement d'une mutation du gène HFE (notamment la mutation C282Y). Une personne homozygote (porteuses des deux copies altérées) présente un risque prononcé d'absorption excessive du fer alimentaire. Cette accumulation progressive peut entraîner des complications hépatiques, cardiaques et pancréatiques si elle n'est pas traitée.
- Contrairement à l'hémochromatose héréditaire où le fer s'accumule principalement dans les hépatocytes (cellules du foie), l'hémochromatose secondaire se caractérise par une accumulation de fer dans les macrophages, notamment au niveau de la moelle osseuse et du foie.
Quels sont les symptômes de l’hémochromatose ?
Quels sont les premiers signes à surveiller ?
Les premiers signes de l’hémochromatose sont souvent discrets. Au début, la maladie passe inaperçue car l’accumulation du fer est progressive. Seule une analyse sanguine permet de détecter une surcharge en fer avant l’apparition des symptômes.
Si je suis un homme, des troubles de l’érection peuvent apparaître.
Quels sont les symptômes avancés et complications de l’hémochromatose ?
Lorsque l’hémochromatose progresse, les symptômes deviennent plus marqués et peuvent toucher différents organes.
Je peux observer des signes visibles comme des ongles abîmés (blancs, aplatis ou incurvés), des cheveux fins et cassants ainsi qu’une peau présentant des taches brunes (mélanodermie) ou des squames, semblables à des écailles. La perte de cheveux et de poils peut aussi apparaître, parfois accompagnée de maux de ventre persistants.
Le symptôme le plus caractéristique reste toutefois articulaire. La « poignée de main douloureuse » est un signe d’alerte fréquent : il s’agit d’une arthrite chronique qui touche les doigts, en particulier l’index et le majeur. Cette douleur peut s'étendre à d'autres zones comme le poignet, la hanche, le genou ou l'épaule, parfois associée à de l’ostéoporose.
Les symptômes apparaissent généralement entre 30 et 40 ans chez les hommes. Ils surviennent plus tard chez les femmes (50 à 60 ans) en raison des menstruations qui permettent d’éliminer l’excès de fer jusqu’à la ménopause.
Si l’hémochromatose n’est pas traitée, l’accumulation excessive de fer peut entraîner des complications sévères :
Foie | Risque de cirrhose, de fibrose et de cancer, en particulier chez les personnes atteintes qui présentent des facteurs aggravants comme la consommation d’alcool, l’hépatite C ou l’obésité abdominale. Ces complications inflammatoires peuvent également provoquer une hypertension portale. |
Pancréas | Développement d’un diabète secondaire qui expose à des complications comme des troubles rénaux, des atteintes de la rétine ou des difficultés de cicatrisation. |
Cœur | Insuffisance cardiaque, troubles du rythme, essoufflement, fatigue persistante et palpitations. |
Hypophyse | L’accumulation de fer peut altérer le fonctionnement des gonades (ovaires et testicules) et entraîner une baisse de la libido, une impuissance ou une atrophie testiculaire. |
Grâce à un diagnostic précoce et un traitement adapté, ces complications sont devenues rares. Cependant, l’hémochromatose reste une maladie silencieuse dont les conséquences peuvent être graves si elle n’est pas détectée à temps.
En France, entre 1000 à 2000 décès annuels sont encore liés à cette surcharge en fer excessive.
Diagnostic : comment détecter un excès de fer ?
Examens sanguins : ferritine et coefficient de saturation de la transferrine
La détection d’un excès de fer repose sur une prise de sang ciblée avec deux marqueurs essentiels : le coefficient de saturation de la transferrine et la ferritine sérique.
- Le coefficient de saturation de la transferrine mesure la proportion de cette protéine qui transporte le fer sérique. Un taux de fer supérieur à 45 % suggère une surcharge en fer. Cependant, ce résultat peut varier selon l’état de santé et doit être confirmé par un second dosage (de préférence à jeun).
- La ferritine sérique, protéine responsable du stockage du fer, reflète les réserves totales de l’organisme. Les valeurs normales sont généralement inférieures à 300 µg/L chez l’homme et à 200 µg/L chez la femme. Cependant, un taux élevé de ferritine n’est pas spécifique à l’hémochromatose : des pathologies inflammatoires ou des troubles hépatiques peuvent également entraîner une élévation sérique de ce marqueur.
Tests génétiques : dans quels cas sont-ils recommandés ?
Le test génétique de la mutation C282Y sur le gène HFE est recommandé dans certaines situations spécifiques. Il sera utile pour le médecin afin qu’il confirme et diagnostique l’hémochromatose en fonction des résultats des analyses biologiques.
Examens complémentaires
Selon la sévérité de la surcharge en fer et des symptômes associés à l’hémochromatose, des examens complémentaires peuvent être prescrits :
Bilan glycémique | Un dosage de la glycémie à jeun permet de dépister un éventuel diabète secondaire, fréquent lorsque le pancréas est affecté par l'accumulation de fer. |
Bilan hépatique | La mesure des transaminases permet de détecter une élévation enzymatique, signe d'une atteinte hépatique. En cas de doute, une IRM hépatique peut être demandée pour quantifier précisément la surcharge en fer et identifier d'éventuelles lésions. |
Imagerie cardiaque | Une échocardiographie est indiquée si des symptômes comme l'essoufflement ou les palpitations sont présents. |
Évaluation osseuse | Une ostéodensitométrie est recommandée pour mesurer la densité osseuse, en particulier chez les personnes présentant un risque d'ostéoporose. |
Analyse de la moelle osseuse | Bien que rarement nécessaire, un examen de la moelle osseuse peut être envisagé si des anomalies hématologiques sont suspectées, notamment en cas d'anémie associée ou de troubles de la production des cellules sanguines. |
Ces examens permettent d’identifier les complications potentielles, d’adapter la prise en charge et de surveiller l’évolution de la maladie. L'IRM hépatique, en particulier, est aujourd'hui privilégiée pour évaluer l’excès de fer dans le sang. Elle remplace la ponction-biopsie du foie, aujourd’hui moins courante.
Quels sont les traitements de l’hémochromatose ?
Les saignées thérapeutiques : le traitement de référence
Le traitement de l’hémochromatose repose principalement sur des saignées thérapeutiques, également appelées « soustractions sanguines » ou « phlébotomies ». Ce traitement consiste à prélever régulièrement du sang pour réduire la surcharge en fer.
Le fer est principalement utilisé dans la fabrication des globules rouges (hématies). En pratiquant les saignées, on oblige l’organisme à puiser dans ses réserves de fer pour produire de nouveaux globules rouges, ce qui diminue progressivement l’excès de fer dans le corps.
L’objectif est d’atteindre un taux de ferritine autour de 50 µg/L.
Les saignées dans le cadre de l’hémochromatose se déroulent de manière similaire à un don de sang. Elles peuvent être réalisées de façon classique ou en utilisant une technique plus ciblée pour prélever spécifiquement les globules rouges, appelée érythraphérèse.
Les prélèvements sanguins peuvent être réalisés dans des centres hospitaliers, des centres de soins de l’Établissement Français du Sang, voire à domicile pour plus de commodité.
Médicaments chélateurs du fer : une alternative aux saignées ?
Les médicaments chélateurs du fer se présentent comme une alternative aux saignées pour traiter l’hémochromatose, notamment lorsque ces dernières sont contre-indiquées ou mal tolérées par les patients atteints.
Ces agents se lient au fer en excès et facilitent son élimination par l'urine. Parmi les chélateurs les plus utilisés, la déféroxamine est approuvée pour le traitement de l'hémochromatose. Cependant, son administration par voie parentérale et ses effets secondaires potentiels la rendent moins pratique que les saignées.
D'autres chélateurs comme le déférasirox et la défériprone sont également utilisés, mais leur efficacité et leur tolérance varient. Malgré leur utilité, ces traitements ne remplacent pas les saignées en première intention qui demeurent le traitement de référence pour l'hémochromatose.
Comment adapter son alimentation pour limiter l’absorption du fer ?
Bien que l’hémochromatose entraîne une surcharge excessive en fer, un régime pauvre en fer n'est pas recommandé. En effet, la cause de la maladie réside dans la régulation de l’absorption du fer, et non dans l’alimentation elle-même.
Cependant, quelques conseils diététiques peuvent être utiles pour gérer la surcharge en fer :
- Limiter ma consommation d’alcool, voire l'arrêter complètement en cas de fibrose hépatique, car l’alcool peut aggraver la surcharge en fer.
- Éviter les suppléments de vitamine C, car cette vitamine favorise l’absorption du fer, ce qui pourrait accentuer l’excès.
- Si je prends des compléments multivitaminés, je m'assure qu'ils ne contiennent ni fer ni vitamine C, afin d'éviter une absorption martiale excessive.
En dehors de ces ajustements, il n’est pas nécessaire de suivre un régime spécifique pour l'hémochromatose. La priorité reste de gérer l'absorption du fer et non d'éviter les sources alimentaires de fer, à moins qu’il y est présence d’une carence en d'autres nutriments.
Peut-on prévenir l’hémochromatose ?
L'hémochromatose étant une maladie génétique, il n'est pas possible de la prévenir entièrement. Cependant, un diagnostic précoce permet de prendre des mesures pour éviter les complications liées à la surcharge en fer.
Le dépistage est particulièrement recommandé pour les membres de la famille des personnes atteintes.
FAQ : Vos questions fréquentes sur l’hémochromatose
Peut-on vivre normalement avec une hémochromatose ?
Avec un diagnostic précoce et un traitement approprié comme les saignées thérapeutiques, il est possible de vivre normalement avec l'hémochromatose.
L’hémochromatose est-elle une maladie rare ?
L'hémochromatose n'est pas une pathologie rare. Elle est plutôt fréquente, notamment en Europe, où environ 1 personne sur 300 est porteuse de la mutation génétique.
Y a-t-il un lien entre hémochromatose et cancer du foie ?
Une surcharge en fer non traitée peut augmenter le risque de cancer du foie, en particulier chez les personnes atteintes de cirrhose.
Quand consulter un médecin en cas de suspicion d’hémochromatose ?
Il est conseillé de consulter un médecin en cas de symptômes comme une fatigue persistante, des douleurs articulaires ou des signes d'atteinte hépatique, surtout si des antécédents familiaux existent.
Propos écrits par Amanda Huguet-Millot, Diététicienne-Nutritionniste et Ingénieure en Alimentation & Santé
Sources :
- Abrégé d’hépato-gastro-entérologie. Hémochromatose. Editions Elsevier-Masson 2ème édition - Partie « Connaissances »
- Association Française pour l’Étude du Foie (AFEF) - Hémochromatose
- Haute Autorité de Santé (HAS) – Hémochromatose
- INSERM – Hémochromatose génétique
- Société nationale française de gastro-entérologie (SNFGE) – Hémochromatose
- VIDAL - Hémochromatose