“J’ai mal partout” : comprendre la fibromyalgie
La fibromyalgie demeure mal comprise et, pour beaucoup, elle ressemble à une maladie invisible que la biologie classique ne parvient pas à objectiver. Pourtant, l’Organisation mondiale de la Santé la classe depuis 2018 parmi les douleurs chroniques généralisées (CIM-11, code MG30.1).
Les personnes qui en souffrent décrivent une douleur diffuse, continue, exaspérante, parfois entrecoupée de crises plus aiguës. D’emblée, le clinicien doit retenir que chaque personne atteinte présente un profil singulier : intensité, localisation, facteurs déclenchants, retentissement fonctionnel, expression émotionnelle diffèrent d’un individu à l’autre.
Qu’est-ce que la fibromyalgie ?
Le syndrome fibromyalgique associe :
- des douleurs diffuses rebelles aux antalgiques usuels,
- une fatigue persistante voisine du syndrome de fatigue chronique,
- des troubles du sommeil (non réparateur),
- des plaintes cognitives et psychiques variées (anxiété, humeur dépressive).
L’hypothèse centrale actuelle est celle d’une hypersensibilité du système nerveux central : les voies nociceptives sont amplifiées, les signaux modulateurs inhibiteurs atténués.
Au niveau cérébral, l’IRM fonctionnelle objective une activation excessive de réseaux de la douleur devant des stimulus normalement indolores ; des anomalies de connectivité entre neurones sensoriels et régions limbiques expliqueraient la tonalité émotionnelle de la douleur.
En périphérie, de petits nerfs A-δ et C montrent parfois un taux de régénération altéré, suggérant une micro-neuropathie ; cette anomalie reste cependant inconstante et non spécifique.
Comment différencier fibromyalgie et autres douleurs ?
Il faut éliminer des diagnostics où la douleur découle d’un processus inflammatoire ou dégénératif visible :
Douleurs suspectées | Élément clé du différenciel | Outils utiles |
Arthrose ou autres rhumatisme mécaniques | Raideur matinale < 30 min, évolution par poussées | Radiographies articulaires |
Spondylarthrite ou polyarthrite inflammatoires | Biologie inflammatoire, atteinte rachidienne avec images IRM | IRM, dosage CRP |
Neuropathie périphérique | Topographie en « gants-chaussettes », hypoesthésie | ENMG (électroneuromyogramme) |
Sclérose en plaques | Atteinte focale, poussées neurologiques | IRM cérébro-médullaire, bandes oligoclonales |
La fibromyalgie, elle, ne détruit pas l’articulation ; les douleurs articulaires restent diffuses, changeantes. Les fameux points douloureux conservent un intérêt clinique pour repérer l’allodynie (douleur provoquée par un stimulus qui ne cause habituellement pas de douleur).
Existe-t-il un test pour détecter la fibromyalgie ?
En pratique, aucun biomarqueur unique n’a fait preuve de sensibilité–spécificité suffisante. Le diagnostic repose donc sur :
- un interrogatoire exhaustif identifiant au moins 3 mois de douleurs généralisées ;
- l’emploi du Widespread Pain Index (WPI) associé au Symptom Severity Score (SSS) ;
- l’exclusion d’affections organiques (bilan standard normal, imagerie ciblée si besoin).
Des techniques comme l’IRM fonctionnelle, la spectroscopie du tronc cérébral ou l’analyse de la conductivité des petites fibres nerveuses ont valeur de recherche. En 2024, des équipes ont décrit un panel de cytokines pro-nociceptives corrélé à la sévérité, mais la reproductibilité reste limitée. Résultat : le test « miracle » n’existe pas encore.
Quels sont les symptômes de la fibromyalgie ?
Voici les principaux symptômes et manifestations décrits par les patients :
Douleur | Sensations douloureuses à prédominance musculo-tendineuse, irradiant parfois vers la colonne vertébrale. |
Fatigue | Épuisement profond, non soulagé par le repos. |
Sommeil | Troubles du sommeil (éveils multiples, sommeil paradoxal fragmenté). |
Cognition | Ralentissement mental, lacunes mnésiques, troubles cognitifs. |
Céphalées | Maux de tête, céphalées de tension ou migraines récurrentes. |
Digestif | Côlon irritable, douleurs intestinales, dysbiose de l'intestin. |
Neurologie | Paresthésies, dysesthésies neurologiques, parfois tremblements. |
Psychisme | Fluctuations émotionnelles, troubles anxio-dépressifs, dérèglements du schéma corporel. |
Quelles sont les causes de la fibromyalgie ?
Alors que cette pathologie a souvent été considérée comme "fictive", car non expliquée médicalement, une publication de l’INSERM d’octobre 2020 permet d’entrapercevoir une explication plus fine à la fibromyalgie par des “anomalies biologiques” mais également des troubles “périphériques”.
En effet, d’une part, l’INSERM s’est basé sur des analyses d’imagerie qui indiquent un dysfonctionnement du cerveau face à la douleur. Selon une vidéo de l’INSERM (2020), “une réponse exacerbée du cerveau à des stimuli normalement non douloureux, appelé "sensibilisation centrale” est la plus probable”.
Toutefois, les chercheurs n’expliquent pas cette réaction, mais penchent pour des facteurs d’ordre psychologique comme un traumatisme ou un stress important.
D’autre part, des études menées dans les dernières décennies amènent l’INSERM à penser que des troubles “périphériques” pourraient être incriminés.
On parle notamment d’un dysfonctionnement des cellules qui apportent l’énergie aux muscles (les mitochondries) ou une atteinte de fibres nerveuse “qui conduisent l’influx douloureux des organes à la moelle épinière” sans certitude que ce phénomène ne soit pas plutôt une conséquence de la fibromyalgie plutôt qu’une cause. Des études plus approfondies devraient être menées dans les années à venir.
Quels sont les facteurs de risque de la fibromyalgie ?
La fibromyalgie semble multifactorielle :
- facteurs génétiques (polymorphismes COMT, transporteurs sérotoninergiques) ;
- stress traumatique ou infection virale aiguë déclenchante ;
- surmenage ;
- perturbation du microbiote modulant l’axe intestin-cerveau ;
- dysfonction dopamine-mélatonine, évoquant une passerelle avec les symptômes non moteurs de la
maladie de Parkinson ; - micro-lésions des petites fibres nerveuses ;
- déconditionnement physique maintenant la boucle de la douleur.
L’ensemble aboutit à un état d’hypersensibilité généralisée.
Quels sont les traitements de la fibromyalgie ?
Le médecin traitant est le professionnel de santé qui est l'interlocuteur privilégié. Il adaptera la prise en charge en fonction du patient, une prise en charge qui sera personnalisée.
Toutefois, la fibromyalgie atteignant divers organes et ayant souvent un impact psychologique très fort, une équipe médicale et paramédicale multidisciplinaire peut se construire en fonction des cas, autour d’un patient : psychologues, neurologues, rhumatologues, kinésithérapeutes, etc.
Quelles sont les approches médicamenteuses ?
Du côté des médicaments pour le traitement de la fibromyalgie, les anti-inflammatoires ne sont généralement pas efficaces en l'absence d'inflammation. La stratégie vise le soulagement des symptômes, non la guérison totale.
Le paracétamol, en tant qu'antalgique de première intention, est habituellement prescrit pour soulager la douleur. En seconde intention, selon l'évaluation du médecin et le tableau clinique, des médicaments plus ciblés peuvent être proposés. Il peut s’agir d’anticonvulsivants et d’antidépresseurs qui agissent sur les neuromédiateurs pour atténuer la douleur, même en l’absence de dépression.
Des antiépileptiques peuvent également être utilisés pour moduler les signaux nerveux responsables des douleurs chroniques.
Ces traitements thérapeutiques ne sont pas dénués d’effets secondaires. On retrouve par exemple des troubles digestifs, de la somnolence ou des sensations de vertige. Leur utilisation nécessite donc un suivi médical rigoureux pour garantir un équilibre entre les bénéfices et les risques !
Classe | Cibles | Particularités |
Antalgiques simples (paracétamol) | Voie sérotoninergique | Utilité variable |
Antidépresseurs IRSNa | Noradrénaline – sérotonine | Effet sur douleurs et sommeil |
Anti-épileptiques (prégabaline) | Canaux calciques α2δ | Diminution de la transmission douloureuse |
Cannabinoïdes en expérimentation | Récepteurs CB1/CB2 | Bénéfice discret, surveillance cognitive |
Quelles sont les thérapies non médicamenteuses ?
Couplée à un traitement médical adapté, une thérapie non médicamenteuse permet l'amélioration de la qualité de vie des patients atteints de fibromyalgie, en agissant sur la douleur, la mobilité et le bien-être mental.
L’activité physique adaptée (APA) | Elle est essentielle pour renforcer les muscles, soulager les articulations et réduire les douleurs grâce à une stimulation douce et progressive. Des exercices comme la natation détendent les muscles tout en améliorant la mobilité. Les recommandations EULAR 2024 placent l’exercice régulier devant toute prescription médicamenteuse. |
L’acupuncture | Les massages ou la neurostimulation transcutanée (TENS) utilisant des électrodes peuvent apporter un soulagement en agissant sur les douleurs nerveuses et musculaires. Ces approches favorisent également la relaxation. |
L’éducation thérapeutique | Elle aide les patients à mieux gérer leur douleur et leur quotidien. Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) apportent aussi un soutien face à l’impact psychologique de la maladie. |
Différentes associations de patients atteints de fibromyalgie existent. Elles soutiennent, écoutent, forment et appuient la recherche :
L’association Fibromyalgie France | Elle a été créée en 2001 allie soutien aux patients, meilleure compréhension de la maladie et mène des actions d’appel aux dons pour la recherche. |
L'Association nationale fibromyalgieSOS | Elle propose une écoute tous les jours du lundi au vendredi de 10 h à 12 h et de 16 h à 19 h. L’écoute et le partage sont fondamentaux pour des patients qui se sentent souvent incompris. |
Autres associations | Associations plus généralistes comme AFLAR, l’Association Française de Lutte antirhumatismale qui inclut la fibromyalgie dans son périmètre d’action. |
Comment vivre avec la fibromyalgie au quotidien ?
Vivre avec la fibromyalgie implique d’apprendre à écouter son corps et d’adapter son quotidien en fonction de ses limites. Il est essentiel de maintenir une routine équilibrée en alternant périodes d’activité et de repos pour éviter le surmenage.
L’organisation et la planification des tâches permettent de mieux gérer la fatigue. Prendre des pauses régulières, se fixer des objectifs réalistes et prioriser les activités peuvent aider à préserver son énergie.
Enfin, il est important de cultiver un réseau de soutien, que ce soit auprès de ses proches ou d’associations pour rompre l’isolement et partager son expérience avec d’autres personnes dans la même situation !
F.A.Q
La fibromyalgie est-elle une maladie chronique ?
La fibromyalgie est chronique et se caractérise entre autres par des douleurs diffuses, une fatigue persistante et une sensibilité à la pression, ce qui la distingue de maladies inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde.
Quels examens faire pour diagnostiquer la fibromyalgie ?
Le diagnostic repose sur l’évaluation clinique des symptômes. Aucun examen biologique ou radiologique ne permet de confirmer la fibromyalgie. En revanche, l’imagerie ciblée (radiographie, IRM) permet d’exclure une arthrite ou d’autres pathologies.
La fibromyalgie est-elle héréditaire ?
La fibromyalgie n'est pas considérée comme une maladie héréditaire, mais une prédisposition familiale peut être observée.
Peut-on guérir de la fibromyalgie ?
Il n'existe pas de traitement curatif, mais des approches adaptées permettent de réduire les symptômes et d'améliorer la qualité de vie, y compris pour les douleurs chroniques et la migraine.
Quels sports pratiquer en cas de fibromyalgie ?
Les sports doux comme la marche, le yoga ou la natation sont recommandés pour améliorer la mobilité et aider à réduire les douleurs sans surcharger le corps.
Sources :
- AMELI - Fibromyalgie
- INSERM - Fibromyalgie
- INSERM - Fibromyalgie : Une douleur chronique et diffuse, enfin reconnue
- VIDAL - Fibromyalgie
- Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles - La fibromyalgie
- Fondation pour la recherche médicale - Fibromyalgie : où en est la recherche ?
- European Alliance of Associations for Rhumatisme (EULAR) – Managing fibromyalgia
- HAS - Conduite diagnostique et stratégie thérapeutique de la fibromyalgie – Note de cadrage